Le cri d’alarme résonne dans la cité d’Ankoro, territoire de Manono, où une femme a été littéralement piétinée par un éléphant en divagation. Ce drame sanglant, confirmé par les autorités du Parc national de l’Upemba, n’est malheureusement qu’un épisode supplémentaire d’une série macabre : huit vies humaines fauchées par ces colosses en cinq années seulement. La victime, surprise alors qu’elle transportait du manioc, a tenté de fuir en abandonnant son fardeau. En vain. Le pachyderme s’est emparé du bassin avant de lui porter le coup fatal, selon le témoignage glaçant de Deogracias Mukalay, président de l’association des ressortissants du secteur de Kamalondo.
Comment en est-on arrivé à cette cohabitation mortelle entre humains et géants de la savane ? Les éléphants d’Upemba, autrefois confinés à leur habitat naturel, envahissent désormais les villages avec une régularité terrifiante. « Ils ravagent tout sur leur passage : maisons, récoltes, vies humaines », déplore Mukalay, voix tremblante d’indignation. À Ankoro, cité dépourvue d’industries où 90% de la population survit grâce à l’agriculture de subsistance, chaque incursion de pachydermes se transforme en catastrophe économique. Les champs de manioc et de maïs, pilier de l’alimentation locale, sont méthodiquement saccagés, plongeant des familles entières dans une insécurité alimentaire chronique.
Derrière cette attaque d’éléphant à Ankoro, se cache un drame écologique aux racines profondes. Les experts du parc pointent du doigt la destruction systématique des couloirs de migration des pachydermes en RDC, laminés par l’expansion des terres agricoles. « Les animaux, traqués par la disparition de leur habitat, se retrouvent acculés dans des zones habitées », analyse un garde-forestier sous couvert d’anonymat. Une fuite en avant désespérée qui transforme ces majestueux mammifères en machines à tuer malgré eux. Les tentatives de suivi par colliers GPS, mises en place pour anticiper leurs déplacements, n’ont jusqu’ici produit aucun résultat tangible sur le terrain.
La situation atteint un point de rupture critique. Les communautés riveraines, exsangues après des années de conflit homme-éléphant au Tanganyika, lancent un appel pathétique aux autorités provinciales et nationales. « Nos parents meurent de faim ou sous les défenses des éléphants. Où est l’État ? », interroge Mukalay, résumant la colère sourde qui gronde dans la région. Les solutions réclamées ? La sécurisation immédiate des zones villageoises et le retour forcé des troupeaux vers le cœur du parc national. Une urgence vitale pour des populations prises en étau entre la faim et les charges meurtrières.
Cette tragédie répétée pose une question cruciale : jusqu’à quand la RDC ignorera-t-elle ce drame silencieux qui frappe sa biodiversité et ses citoyens les plus vulnérables ? Chaque jour sans action concrète aggrave l’hémorragie : terres agricoles stérilisées, réserves alimentaires anéanties, et désormais vies humaines broyées. Le parc de l’Upemba, sanctuaire théorique de la faune, devient malgré lui le théâtre d’une guerre asymétrique où humains et éléphants sont tour à tour victimes et bourreaux. Une équation insoluble sans une intervention d’urgence qui protégerait à la fois le précieux héritage faunique du pays et le droit élémentaire de ses habitants à vivre en sécurité.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net