Le klaxon des motos résonne comme un cri de détresse dans les rues de Beni. Lundi 4 août, des centaines de conducteurs de motos-taxis ont brisé le silence pour dénoncer l’étouffement économique qui menace leur survie. Dans cette ville du Nord-Kivu, chaque virage cache une nouvelle barrière, chaque passage devient un tribut forcé. « On travaille pour nourrir les caisses obscures », lance Amisi, père de quatre enfants, les mains calleuses serrées sur son guidon.
Lors d’une rencontre tendue avec le vice-gouverneur du Nord-Kivu, les motards ont brandi une lettre accusatrice. Leur calvaire quotidien ? Un empilement de taxes illégales qui transforme leurs routes en parcours du combattant financier. Comment justifier ces 20 000 francs congolais exigés pour une simple identification à la mairie, alors que des familles peinent à trouver un repas par jour ?
Les quatre principales sorties de Beni sont devenues des points de contrôle permanents où s’ajoute une taxe de stationnement arbitraire. Pire encore, sur les axes agricoles de Beni-Mbau et Ruwenzori, dans les chefferies et communes rurales, des barrières illégales fleurissent comme des champignons vénéneux. À chaque passage, 500 à 1000 francs congolais disparaissent dans des poches invisibles, sans quittance, sans trace. « Ces prélèvements devraient être perçus dans des parkings officiels, pas sur des routes où nous risquons nos vies », s’indigne Kambale, secrétaire de leur association.
La protestation des mototaxis de Beni révèle une réalité plus sombre : celle d’une administration qui asphyxie ceux qui font battre le cœur économique de la région. Le carrefour de Pasisi, à la sortie ouest, symbolise cette absurdité : un bouclage « sans fin » selon les motards, où la police de circulation routière transforme son pouvoir en racket organisé. Combien de barrières illicites faut-il franchir entre Mangango, Mavivi, Mukulya, Paida et Makeke avant que la colère n’explose ?
Face à cette détresse, le vice-gouverneur du Nord-Kivu a promis une réponse urgente dans les prochains jours. Mais derrière cette annonce se cachent des enjeux cruciaux pour toute la province : jusqu’où peut-on tolérer ces tracasseries administratives et sécuritaires qui minent la confiance dans les institutions ? Les mototaxis ne sont pas seulement des transporteurs ; ils sont les artères vitales d’une région meurtrie, les premiers témoins d’une économie parallèle qui prospère sur le dos des plus vulnérables.
Cette protestation dépasse la simple question des taxes abusives. Elle interroge notre modèle de gouvernance locale : comment reconstruire un pacte social lorsque chaque citoyen se sent une cible plutôt qu’un contribuable ? Les mots rassurants des autorités suffiront-ils à éteindre une colère nourrie par des années d’humiliations quotidiennes ? L’avenir des milliers de familles dépendant des mototaxis se joue désormais dans les couloirs du pouvoir provincial.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
