L’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) a exprimé, ce lundi 4 août, de vives préoccupations quant au déroulement du procès de l’ancien ministre de la Justice Constant Mutamba devant la Cour de cassation. Selon l’organisation de défense des droits, les magistrats rejetteraient systématiquement les exceptions soulevées par la défense sans fournir de motivation juridique suffisante, compromettant ainsi les droits fondamentaux de l’accusé.
Constant Mutamba, ancien garde des Sceaux, est poursuivi pour tentative présumée de détournement de fonds publics s’élevant à 19 millions de dollars américains. Ces sommes, initialement destinées à la construction d’un établissement pénitentiaire dans la province de la Tshopo, font l’objet d’une instruction minutieuse depuis plusieurs mois. L’affaire soulève des questions cruciales sur l’indépendance de la justice congolaise dans les dossiers sensibles impliquant d’anciens hauts responsables.
Me Joséphine Mbela, chargée des plaidoyers à l’ACAJ, a détaillé ces inquiétudes lors d’une déclaration formelle : « Au regard de ce qui s’est passé lors des audiences précédentes, la Cour de Cassation a rejeté systématiquement les exceptions sans décision suffisamment motivée ». Cette pratique, selon l’avocate, créerait un climat procédural délétère où la présomption d’innocence apparaîtrait comme un principe théorique plutôt qu’une garantie effective.
L’empressement manifeste des magistrats constitue un autre sujet d’alerte pour l’association. Me Mbela a souligné que « l’empressement manifeste avec lequel les juges s’efforcent de mener le procès est de nature à faire croire qu’une décision serait déjà prise avant même la clôture des débats ». Une telle précipitation, si elle était avérée, remettrait en cause l’impartialité intrinsèque de l’institution judiciaire et violerait les standards internationaux en matière de procès équitable.
Lors de l’audience publique du 30 juillet dernier, la Cour a effectivement rejeté deux requêtes en inconstitutionnalité présentées par le conseil de la défense. Ces recours visaient à obtenir la surséance de la cause, une mesure procédurale pourtant courante dans les systèmes juridiques modernes. La défense de l’ex-ministre réclame par ailleurs la comparution de plusieurs témoins clés, dont la Première ministre Judith Suminwa, les ministres en charge des Sports et des Infrastructures, ainsi que d’anciens responsables de l’Inspection générale des finances (IGF) et de la CENAREF.
La Cour a pour sa part ordonné la convocation de l’expert de l’Autorité de régulation des marchés publics et du responsable de Zion Construction, société impliquée dans le projet pénitentiaire contesté. Ces auditions pourraient éclairer les conditions d’attribution des marchés et le circuit des fonds publics, éléments centraux dans cette affaire d’embezzlement présumé.
La prochaine audience, annoncée comme potentiellement décisive, cristallise toutes les attentions. L’ACAJ exhorte les autorités judiciaires à respecter scrupuleusement les droits de la défense et à garantir l’indépendance du tribunal. Sans ces garanties fondamentales, le procès Constant Mutamba risquerait d’être entaché d’irrégularités substantielles, portant atteinte à la crédibilité même de l’appareil judiciaire congolais. Les observateurs s’interrogent : cette affaire marquera-t-elle un recul des standards procéduraux ou au contraire un sursaut institutionnel pour le respect des droits fondamentaux en République Démocratique du Congo ?
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net