Le sol tremble encore sous les pas de Marie-Louise Kweli lorsqu’elle évoque cette journée de juin 2024. À Kyanganda, dans le territoire de Lubero, le grondement des armes des Forces démocratiques alliées (ADF/NALU) a brutalement mis fin à des années de stabilité. « Ma pharmacie a été incendiée par les rebelles le jour de notre fuite. C’était ma seule source de revenus », confie cette mère de neuf enfants, la voix nouée par l’émotion. Comme des milliers d’autres familles du Nord-Kivu, elles ont marché des kilomètres sous les intempéries pour échapper aux violences, abandonnant derrière elles champs et souvenirs.
À Butembo, ville-refuge où résonnent encore les bruits de bottes, Marie-Louise découvre l’amère réalité des déplacés internes en RDC. La précarité s’est installée dans leur quotidien : seuls deux de ses enfants peuvent désormais fréquenter l’école, contre neuf auparavant. « Mes enfants mangeaient deux fois par jour à Kyanganda. Ici, trouver un repas quotidien relevait du miracle », soupire-t-elle. Cette descente aux enfers alimentaire est le lot commun de plus de 7,8 millions de déplacés internes dans le pays, selon les derniers chiffres.
Comment survivre lorsque tout a été perdu ? La réponse est venue du Programme Alimentaire Mondial (PAM). Après un enregistrement minutieux des familles vulnérables, l’agence onusienne a distribué des cartes de rationnement. « Grâce au PAM, nous recevons des vivres : farine de maïs, riz, haricots, huile végétale… », énumère Marie-Louise, une lueur d’espoir dans le regard. Cette aide alimentaire a transformé son existence : « Avant, nous étions dans un grand désespoir. Aujourd’hui, mes enfants mangent à leur faim ».
L’assistance dépasse la simple subsistance. « Le PAM nous redonne dignité et force », insiste cette mère résiliente, devenue messagère d’espoir auprès d’autres déplacés à Butembo. Son message est clair : « Prenez courage, car le PAM est là pour nous tous ». Pourtant, l’ombre de la crise humanitaire au Congo plane lourdement. Pour maintenir cette bouée de sauvetage, le PAM RDC lance un appel urgent : 478,5 millions de dollars sont nécessaires pour les six prochains mois afin de répondre aux besoins nutritionnels des populations déplacées.
La résilience des déplacés de Butembo, incarnée par Marie-Louise, ne doit pas masquer l’urgence systémique. Chaque jour, de nouvelles familles fuient les attaques de l’ADF dans le Nord-Kivu, alourdissant le fardeau d’une région déjà exsangue. L’histoire de Marie-Louise pose une question cruciale : jusqu’à quand la communauté internationale pourra-t-elle ignorer l’ampleur de cette catastrophe humanitaire ? Alors que les distributions du PAM restaurent dignité et espoir, elles rappellent aussi cruellement que sans solution politique durable, l’aide alimentaire demeure un pansement sur une plaie béante.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd