Le sable qui charriait autrefois les espoirs de Kisenso est devenu le cauchemar de ses habitants. À la « Chine », quartier populaire de cette commune kinoise, l’avenue Renaissance n’est plus qu’une cicatrice béante de plus d’un kilomètre. Des têtes d’érosion menacent désormais maisons, églises et écoles, conséquence directe des travaux lancés puis abandonnés en 2018 par Addict Construction. « Nous ne sommes pas dans un village, mais dans la ville de Kinshasa », tonne Mangalaboy Sangol Winner, responsable de la société civile Force Vive, la voix nouée par l’urgence.
Comment en est-on arrivé là ? Ce projet phare devait relier Matete, Kisenso et Lemba jusqu’à l’Université de Kinshasa, désengorgeant le trafic et apportant le développement. Aujourd’hui, la route érodée a littéralement coupé le quartier en deux. Des habitations jadis au niveau de la chaussée surplombent désormais un précipice où s’aventurent à peine quelques courageux. « Ici était passée une adulte, emportée par les eaux de la pluie », confie M. Winner, évoquant cette dame retrouvée morte à Limete. Le danger route Kinshasa devient chaque jour plus tangible.
L’abandon travaux Kisenso se paie en vies humaines. Le responsable de Force Vive détaille un drame récurrent : « Des nécessiteux trouvent la mort en raison d’une prise en charge médicale éloignée ». La clinique universitaire de l’UNIKIN reste inaccessible, à 5 kilomètres de ce ravin impraticable. Avec la saison des pluies qui approche, l’angoisse monte. Des maisons pourraient être englouties, comme ce fut déjà le cas, transformant le quartier en paysage lunaire où le sable envahit tout lors des inondations Kisenso.
Les étudiants, premières victimes collatérales, vivent un calvaire quotidien. Glody Nduaya, jeune résident, décrit leur supplice : « Nous arrivons à la faculté avec la sueur dégoulinant le corps ». Leur rêve d’une route praticable s’est envolé avec l’arrêt du chantier. Pourtant, cette artère devait désengorger le bypass et faciliter l’accès aux universités. À la place, ils grimpent des montagnes de terre, traversent la rivière N’djili, épuisés avant même d’arriver en cours.
Face à ce désastre, la société civile Force Vive monte au créneau depuis une semaine. Son plaidoyer est double : exiger la reprise immédiate des travaux et l’installation d’une ligne TRANSCO. « Nous avons voté, nous vous appelons à vous intéresser à cette route qui va sauver Kisenso », lance M. Winner aux autorités. Le marché Wenze ya bambou, situé à quelques mètres seulement du gouffre, pourrait être la prochaine victime de l’érosion avenue Renaissance.
Que reste-t-il de la promesse de développement ? Les arrêts de bus fantômes comme le « coin ya cimetière » témoignent d’une activité économique anéantie. Cette avenue qui devait être un trait d’union est devenue une frontière. La société civile, dernier rempart contre l’oubli, alerte : sans intervention urgente, Kisenso risque de sombrer littéralement. À l’heure où Kinshasa se rêve en métropole moderne, ce quartier abandonné interroge la notion même de justice territoriale. Combien de morts faudra-t-il encore pour que cette artère brisée renaisse vraiment ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd