Alors que la planète se dirige vers la COP30 à Belém en novembre 2025, la République Démocratique du Congo muscle sa position climatique. Le pays, qui abrite 60% des forêts du bassin du Congo – second poumon vert de la Terre –, entend transformer ses 155 millions d’hectares de forêt en levier diplomatique et économique. Jeudi 31 juillet 2025, la ministre Ève Bazaiba Masudi a dévoilé la feuille de route congolaise, un plan ambitieux centré sur la monétisation de ses services écosystémiques.
Devant partenaires techniques et société civile réunis au Centre culturel de Kinshasa, cinq piliers stratégiques ont été présentés. Le fer de lance ? L’installation imminente du Centre régional d’excellence du marché carbone à Kinshasa, fruit d’un partenariat avec le PNUD. Ce hub, dont l’inauguration est prévue durant la Semaine du climat, ambitionne de structurer les initiatives africaines de réduction des émissions. « Le continent reste paradoxalement à l’écart des marchés carbone malgré son immense potentiel », a déploré la ministre, soulignant que ce centre positionnera la RDC comme régulateur des transactions carbone en Afrique centrale.
Deuxième priorité phare : le déploiement massif des paiements pour services environnementaux (PSE). Expérimenté à Lukolela et Songololo, ce mécanisme révolutionnaire rémunère directement les communautés gardiennes des forêts. « Les PSE comblent les lacunes des initiatives carbone traditionnelles où les conservateurs locaux étaient exclus des bénéfices », a expliqué Bazaiba Masudi. Une démonstration en direct est prévue à Belém : des transferts mobiles partiront du Brésil vers des bénéficiaires congolais, grâce à des partenariats avec le WWF et One Acre Fund.
La stratégie climat RDC mise aussi sur une alliance renforcée avec le Brésil et l’Indonésie. Les trois géants forestiers tropicaux formeront un front commun pour exiger « des financements à la hauteur de nos efforts ». Un rapport du Woodwell Climate Research Center étaye leur position : les forêts congolaises séquestrent chaque année l’équivalent des émissions de 50 millions de voitures. Pourtant, moins de 10% des financements climat leur sont destinés.
En filigrane de cette préparation, une bataille juridique s’annonce : la RDC portera à la COP30 la reconnaissance du crime d’écocide. « Les pollutions industrielles et déversements toxiques doivent devenir des infractions internationales », a martelé la ministre. Une position qui résonne dans un pays où l’exploitation minière illégale ronge 500.000 hectares de forêt annuellement.
Avec ce plan quintuple – centre carbone, PSE, alliance trilatérale, fonds perpétuel pour les forêts et plaidoyer pour l’écocide – la RDC affûte ses armes pour Belém. Son objectif ? Transformer son statut de « pays-solution » en leadership concret. Car derrière les mécanismes techniques se joue une question vitale : comment monétiser la respiration des arbres sans étouffer ceux qui les protègent ? La réponse congolaise tient en un mot : équité. Équité dans l’accès aux marchés carbone Afrique, équité dans la redistribution des financements, équité dans la reconnaissance des services rendus à la planète.
Alors que les préparatifs s’accélèrent, un défi persiste : l’harmonisation des positions entre gouvernement, société civile et partenaires techniques. La ministre l’a reconnu : « Nous œuvrons pour une délégation unifiée, sans dissonance ». Un impératif pour ce pays qui, en 2025, a vu sa déforestation augmenter de 12% malgré ses promesses climatiques. La crédibilité de sa feuille de route se jouera autant dans les salles de conférence brésiliennes que dans les forêts de l’Équateur.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd