Moins de quinze mois après la chute de Mobutu, la République démocratique du Congo bascule dans l’horreur. Le 2 août 1998, une mutinerie pilotée depuis Kigali déclenche ce qui deviendra la Deuxième Guerre du Congo, conflit le plus sanglant depuis la Seconde Guerre mondiale. Comment ce renversement d’alliances a-t-il pu survenir si rapidement après la victoire commune de l’AFDL ?
La réponse réside dans la détérioration fulgurante des relations entre Laurent-Désiré Kabila et ses anciens parrains rwandais. Dès 1997, les frictions s’accumulent : Kigali accuse le nouveau pouvoir de marginaliser les Tutsi congolais, notamment les Banyamulenge du Sud-Kivu, pourtant fer de lance de la rébellion anti-Mobutu. Pire, Kinshasa serait complice de la réorganisation sur son sol des ex-FAR et Interahamwe, ces génocidaires rwandais que le régime de Paul Kagame poursuit sans relâche.
La rupture définitive intervient le 28 juillet 1998 lorsque Kabila limoge brutalement le chef d’état-major James Kabarebe, officier rwandais, et ordonne le retrait immédiat des troupes étrangères. Un camouflet que Kigali perçoit comme une déclaration de guerre. Deux semaines plus tard, des unités tutsi des FAC se soulèvent dans l’Est, appuyées par l’Armée patriotique rwandaise. Le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), nouveau mouvement rebelle, justifie son insurrection par les « dérives ethnicistes » de Kabila.
L’offensive est foudroyante : soutenus par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, les insurgés s’emparent du Kivu et lancent même une opération-éclair depuis Kitona vers Kinshasa. Kabila, dos au mur, invoque la solidarité panafricaine. Le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie volent à son secours, scellant la partition du pays entre Est rebelle et Ouest gouvernemental.
La guerre s’enlise et se régionalise, avec l’émergence de factions rivales comme le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, soutenu par Kampala. Cette fragmentation alimente des atrocités systématiques documentées par le rapport Mapping de l’ONU : à Kinshasa, les services de sécurité traquent les Tutsi dans des centres de détention clandestins ; à Kalemie, des fosses communes recueillent des dizaines de corps ; à Mbuji-Mayi, des militaires sont exécutés en masse.
Malgré l’accord de cessez-le-feu de Lusaka en juillet 1999, les combats persistent. L’effondrement des structures étatiques provoque une hécatombe silencieuse : 3,8 millions de morts entre 1998 et 2004, principalement de famine et de maladie selon le Comité international de secours. Le conflit ne prendra fin qu’en 2003 avec un accord de transition, laissant un pays exsangue. Laurent-Désiré Kabila, lui, n’aura pas vu la fin des hostilités, tombant sous les balles d’un garde du corps en 2001.
Près de vingt-cinq ans plus tard, les origines de la Deuxième Guerre du Congo interrogent encore : simple rupture tactique entre alliés de circonstance, ou inévitable conséquence des fractures coloniales et des calculs géopolitiques régionaux ? Les séquelles de ce conflit RDC 1998 continuent de hanter la région, où la stabilisation reste un mirage.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd