Dans un camp de déplacés du Nord-Kivu, Marie, 32 ans, serre contre elle ses trois enfants. « Depuis deux ans, nous fuyons les milices. L’aide alimentaire arrive au compte-gouttes », confie-t-elle, voix brisée. Son témoignage résonne comme un écho lointain aux discussions tenues ce 1er août 2025 à Nairobi, où la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont tiré la sonnette d’alarme sur l’urgence humanitaire dans l’Est congolais.
La réunion conjointe, élargie aux facilitateurs de l’Union africaine (UA), a lancé un appel sans équivoque : mobiliser immédiatement des ressources sous la houlette du président de la Commission de l’UA, Mahmoud Ali Youssouf. Le communiqué final est clair : « Centraliser et coordonner l’aide par la CUA » et « aligner toutes les initiatives sur le processus mené par l’Afrique ». Une réponse panafricaine face à une tragédie qui dépasse les frontières.
Comment ignorer ces chiffres qui glacent le sang ? Le plan de réponse humanitaire 2025 pour la RDC, chiffré à 2,54 milliards de dollars, vise à secourir 11 millions de personnes dont 7,8 millions de déplacés internes – l’un des plus hauts niveaux mondiaux. Pourtant, comme l’a révélé Bintou Keita, cheffe de la MONUSCO, devant le Conseil de Sécurité fin juin, seuls 11% des fonds nécessaires ont été mobilisés. Un déficit abyssal qui condamne des millions de Congolais à l’abandon.
La crise du financement de l’aide humanitaire en RDC prend une ampleur dramatique dans un contexte mondial de restrictions budgétaires. L’ONU a opéré des « coupes les plus importantes jamais vues », réduisant son plan d’aide global de 44 à 29 milliards de dollars pour 2025. Gaza, le Soudan ou le Myanmar sont prioritaires, mais la RDC paie un lourd tribut. Comment hyper-prioriser quand 21,2 millions de Congolais sont pris dans l’étau des conflits armés, des catastrophes naturelles et des épidémies ?
Trois bombes à retardement menacent particulièrement l’Est du pays : l’expansion des violences de l’Ituri au Tanganyika, l’absence d’autorité étatique dans les Kivus, et ce déficit criant de fonds. Le mandat confié à Mahmoud Ali Youssouf de communiquer les résolutions aux États membres de l’UA est crucial. Mais sera-t-il suffisant face à l’ampleur de la tâche ?
La réunion de Nairobi a salué les efforts du Kenya et des secrétariats de la CAE, de la SADC et de la CUA. Pourtant, derrière les déclarations diplomatiques, une question brûlante persiste : comment transformer ces engagements en actes concrets pour les Marie du Nord-Kivu ? La coordination africaine est une lueur d’espoir, mais le temps presse. Chaque jour de retard signifie des milliers d’enfants malnutris, des familles sans abri, des vies brisées par l’indifférence.
Alors que la saison des pluies approche, menaçant d’aggraver les conditions dans les camps surpeuplés, l’appel de Nairobi sonne comme un ultime avertissement. Sans une mobilisation internationale immédiate, c’est toute une région qui risque de sombrer dans une catastrophe humanitaire sans précédent. L’Afrique a pris les devants, mais le monde écoutera-t-il ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd