Le système Pix, conçu par la banque centrale brésilienne, a déclenché une révolution fintech sans précédent. En trois ans seulement, ce mécanisme de paiement instantané est devenu le moyen de paiement préféré des Brésiliens, supplantant massivement les espèces et les virements bancaires. Plus significatif encore : il grignote désormais les parts de marché des cartes de crédit dans le commerce électronique, secteur pourtant en plein essor.
L’an dernier, l’utilisation de Pix a explosé de 74%, totalisant près de 42 milliards de transactions. Ce volume dépasse de 23% les paiements combinés par cartes de crédit et débit, selon les données officielles. Pourquoi un tel basculement ? L’explication réside dans un double avantage : pour les consommateurs, la simplicité d’un scan de code QR via n’importe quelle application bancaire ; pour les détaillants en ligne, une aubaine financière face aux marges étroites du e-commerce.
L’impact économique est brutal. Alors que les frais moyens des cartes de crédit atteignent 2,2% par transaction au Brésil, Pix ne coûte que 0,22% aux commerçants selon la Banque des Règlements Internationaux. Cette différence crée un séisme dans l’écosystème financier : les réseaux de cartes (Visa, Mastercard) et les processeurs de paiement (Cielo, Stone) voient leurs revenus fondre, privés de leur part sur ces transactions.
Les chiffres du commerce électronique illustrent cette lame de fond. Les commandes réglées via Pix ont bondi de 22 points de pourcentage en deux ans, représentant désormais un tiers des achats en ligne. Dans le même temps, les paiements par carte de crédit ont reculé de 5 points à 51%, selon Neotrust. Roberto Campos Neto, directeur de la banque centrale brésilienne, l’avait prédit : “Les cartes de crédit cesseront bientôt d’exister”. Les tendances actuelles confirment sa vision.
Face à cette disruption, les acteurs historiques se réorganisent en urgence. Les actionnaires de Cielo (Banco do Brasil et Bradesco) ont engagé sa privatisation en février, suivant l’exemple de Getnet en 2022. Deux sources proches du dossier révèlent que cette manœuvre vise à développer des offres intégrées, réduisant la dépendance au déclinant marché des cartes. “L’industrie est devenue plus compétitive avec ces transformations”, justifie Banco do Brasil.
La banque centrale prépare déjà la prochaine vague innovante. Dès octobre, Pix Automatico permettra les paiements récurrents (factures, abonnements), tandis que Pix Garantido autorisera les mensualités – fonction phare des cartes de crédit. “Ces innovations vont accélérer l’adoption”, anticipe Carlos Netto, PDG de Matera. Pourquoi cette dynamique est-elle irréversible ? Parce que Pix combine l’autorité régulatrice d’une banque centrale, une intégration universelle et des coûts d’exploitation dérisoires (moins de 14 millions de reais de développement).
Eduardo Lopes de Nubank, première banque digitale d’Amérique latine, résume : “Pix restera la technologie la plus disruptive des prochaines années”. Preuve de cette mutation, Nubank – née avec une carte violette iconique – a basculé vers Pix, attirant 13,6 millions d’utilisateurs pour ses transferts crédités en 2023 (+166%). Même Berkshire Hathaway de Warren Buffett s’est désengagé de Stone, signal fort pour l’économie numérique.
Cette révolution fintech pose une question cruciale : les systèmes de paiement instantané centralisés sont-ils l’avenir inéluctable des transactions digitales ? Au Brésil, Pix a déjà transféré 3.400 milliards de dollars en 2023 et capté 38% des paiements entre particuliers et entreprises. Carlos Mauad, de Fintech Magalu, le constate : “Pix change définitivement la donne”. Alors que le commerce électronique mondial cherche des solutions moins coûteuses, le modèle brésilien pourrait inspirer d’autres marchés émergents avides d’inclusion financière.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net
