Selon une analyse percutante publiée ce jeudi par la coalition « Le Congo n’est pas à vendre » (CNPAV), le projet Mutanda Mining, fleuron de la production mondiale de cobalt, aurait engendré des pertes financières catastrophiques pour l’État congolais et la Gécamines. Le rapport intitulé « Le cobalt à prix cassé, la corruption à plein tarif » dévoile un manque à gagner estimé à 1,75 milliard de dollars américains pour les caisses publiques, un chiffre qui interpelle sur la gouvernance des ressources minières en RDC.
Comment expliquer un tel écart ? La Gécamines n’aurait perçu que 250 millions de dollars lors de la cession de ses parts dans Mutanda et Kansuki, tandis que des acteurs privés et des réseaux offshore auraient empoché près de 2 milliards de dollars grâce à la revente de ces mêmes actifs. Cette disproportion flagrante soulève des questions cruciales sur l’équité des transactions dans le secteur minier congolais, où le cobalt représente pourtant une manne stratégique.
Les investigations du CNPAV pointent une période critique entre 2007 et 2015, marquée par une opacité systémique. Aucun appel d’offres public ni évaluation indépendante n’auraient été réalisés, violant ainsi les principes établis par la commission de revisitation des contrats miniers de 2009. Dans l’ombre, des sociétés offshore comme Samref, Rowny Asset et Biko Invest – toutes liées à l’homme d’affaires Dan Gertler, déjà sanctionné par le Trésor américain en 2017 – apparaissent comme bénéficiaires clés de ces montages. Des géants miniers tels Glencore, Bazano et HGR sont également cités dans ce réseau complexe.
La spirale des pertes minières en RDC s’aggrave avec la cession des royalties de Mutanda Mining, qui pourrait priver le trésor public de plus de 600 millions de dollars d’ici 2039. Un coup dur pour les finances nationales dans un pays où 73% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Comment de tels mécanismes ont-ils pu échapper à tout contrôle ? Le rapport suggère des complicités jusqu’au sommet de l’État, évoquant l’implication de proches collaborateurs de l’ancien président congolais dans la signature d’accords léonins.
En 2022, deux accords à l’amiable conclus par le gouvernement avec Ventora (groupe Gertler) et Glencore ont suscité l’ire des observateurs. Le CNPAV dénonce des arrangements « sans évaluation rigoureuse des pertes subies par l’État », légitimant selon eux des pratiques douteuses sans compensation pour la population. Ces règlements surviennent alors que Glencore fait face à des poursuites pour corruption dans plusieurs juridictions africaines.
Face à ce constat accablant, la coalition exige une évaluation indépendante et exhaustive des transactions liées à Mutanda Mining. Elle préconise des mesures correctives immédiates : révision des contrats miniers, recours judiciaires contre les entités impliquées, et renforcement des mécanismes de transparence. L’enjeu dépasse la simple récupération de fonds ; il s’agit de restaurer la souveraineté économique d’une nation dont les ressources sont pillées depuis des décennies.
Le dossier Mutanda Mining cristallise les dérives d’un système où la corruption ronge la Gécamines, entreprise publique pourtant garante du patrimoine minier national. Alors que la demande mondiale en cobalt devrait exploser avec la transition énergétique, la RDC parviendra-t-elle enfin à convertir son « or bleu » en véritable levier de développement ? La réponse dépendra de la capacité des autorités à briser les chaînes de l’impunité.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
