L’ancien colonel Daniel Mukalay, condamné à une peine de quinze années de réclusion criminelle pour son implication dans le double assassinat du militant des droits humains Floribert Chebeya et de son collaborateur Fidèle Bazana, a été remis en liberté au cours du mois de juillet 2025. Cette décision administrative intervient après quatorze années de détention effective, dont une partie comptabilisée au titre de la détention préventive, selon les confirmations obtenues auprès des services pénitentiaires congolais.
L’individu, qui occupait les fonctions de directeur des Renseignements Généraux et Services Spéciaux (DGRS) au sein de la police nationale au moment des faits, avait été reconnu coupable par la justice congolaise en 2011. Les éléments du dossier établissaient sa participation active tant dans l’exécution du meurtre que dans les manœuvres ultérieures visant à en dissimuler les traces. Les sources carcérales consultées précisent que cette libération anticipée résulte strictement de l’application combinée des dispositions relatives à la réduction de peine pour bonne conduite et de l’imputation de la période de détention provisoire, excluant tout recours à une mesure de grâce présidentielle ou à une révision judiciaire.
Néanmoins, cette remise en liberté soulève des vagues de consternation parmi les défenseurs des droits fondamentaux. Pour plusieurs organisations locales et internationales, elle symbolise une défaite criante de la lutte contre l’impunité des agents de l’État en République Démocratique du Congo. Comme le déplore un représentant de la société civile sous couvert d’anonymat : « Libérer Mukalay sans avoir fait toute la lumière sur cette affaire, c’est tourner la page sans l’avoir lue. » Cette amertume trouve son fondement dans l’absence persistante du général John Numbi, considéré par les enquêteurs comme le présumé commanditaire des homicides, toujours en cavale malgré les mandats d’arrêt internationaux émis à son encontre.
L’affaire Chebeya-Bazana, du nom des deux victimes abattues en juin 2010 après avoir été convoquées au siège de la police, demeure l’une des plus emblématiques des dysfonctionnements judiciaires congolais. Les familles des défunts, par la voix de leurs avocats, ont exprimé leur « profond sentiment d’injustice » face à une procédure laissant dans l’ombre les responsabilités hiérarchiques. Les circonstances exactes des décès n’ayant jamais été intégralement élucidées, cette libération ravive des interrogations sur l’efficacité des mécanismes de reddition des comptes au sein des forces de sécurité.
Comment expliquer que les exécutants répondent de leurs actes devant les tribunaux tandis que les donneurs d’ordres échappent à toute sanction ? Cette question rhétorique hante désormais le paysage judiciaire congolais, où les dossiers impliquant des hauts gradés semblent systématiquement rencontrer des obstacles insurmontables. La libération de Daniel Mukalay s’inscrit dans un contexte plus large de tolérance structurelle envers les violations commises par les représentants de l’autorité publique, phénomène régulièrement dénoncé par la Commission des Nations Unies aux Droits de l’Homme.
Les prochaines étapes juridiques restent incertaines. Aucune procédure d’appel n’étant engagée contre la décision de libération, l’accent se déplace désormais vers la traque du général Numbi, dont la capture représenterait un signal fort dans la lutte contre l’impunité policière en RDC. Toutefois, l’érosion des preuves et le temps écoulé depuis les faits laissent planer un doute substantiel sur les chances d’une complète résolution judiciaire de ce dossier sensible.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net