Le grondement des bulldozers résonne ce vendredi 25 juillet le long de la rivière Mapenza, où des familles regardent, impuissantes, leurs habitations se réduire en gravats. « Ils avaient promis de s’arrêter à la borne 15, mais les engins ont franchi la limite sans avertissement », témoigne un riverain les mains tremblantes, évocateur du chaos qui règne dans ce secteur de Ngaliema. Cette scène de désolation illustre la dure réalité des opérations de démolition menées par le gouvernement provincial contre les constructions anarchiques, plongeant des dizaines de ménages dans une précarité soudaine.
Selon les autorités, ces démolitions ciblent spécifiquement les bâtiments érigés en dehors des limites légales, empiétant sur le domaine public fluvial. L’objectif affiché est double : libérer l’espace nécessaire à la création d’une nouvelle route reliant les avenues des Écuries et Nguma, un raccourci stratégique pour décongestionner le trafic infernal de ce secteur, tout en procédant au curage urgent de la rivière Mapenza. Ce curage permettrait d’améliorer la canalisation des eaux et de prévenir les inondations récurrentes qui transforment régulièrement ce quartier en paysage lacustre durant la saison des pluies.
Pourtant, sur le terrain, l’exécution soulève un tollé. Si certains habitants reconnaissent leur responsabilité dans ces constructions illicites, beaucoup dénoncent des méthodes expéditives. « Tout le monde a été informé qu’ils démoliraient à partir d’un certain niveau, mais les responsables sont imprévisibles », confie un résident sous couvert d’anonymat. Une habitante ajoute, la voix nouée par l’émotion : « Après avoir contacté une autorité, j’ai appris qu’ils iront jusqu’au mur de l’avenue. Où est la cohérence dans leurs déclarations ? » Ces témoignages poignants révèlent un cruel manque de transparence dans la délimitation des zones concernées par les expulsions, créant un climat de psychose parmi les riverains de Ngaliema.
Le curage de la rivière Mapenza, présenté comme une mesure salutaire contre les inondations, apparaît pour certains comme un prétexte secondaire. L’accent semble mis sur le projet routier, promesse de fluidité dans une capitale étouffée par ses embouteillages. Mais à quel prix social ? Des familles se retrouvent du jour au lendemain sans toit, leurs économies englouties dans le béton écroulé. Les autorités provinciales se défendent en invoquant l’intérêt collectif et la nécessité de faire respecter les plans d’urbanisme. Pourtent, la question demeure : pourquoi n’avoir pas anticipé des solutions de relogement pour ces populations vulnérables ?
Cette situation met en lumière les tensions permanentes entre développement urbain et droit au logement à Kinshasa. Les expulsions brutales le long de la Mapenza rappellent que les politiques d’aménagement restent souvent sourdes à la détresse humaine. Si la nouvelle route de Ngaliema pourrait effectivement désengorger le trafic, sa construction sur les décombres de vies précaires interroge notre modèle de croissance. Le curage de la rivière, bien que nécessaire, ne doit pas servir de caution écologique à des opérations menées sans considération pour les plus démunis. Kinshasa mérite-t-elle de se moderniser sur le dos de ses habitants les plus fragiles ? La réponse à cette question définira l’âme même de notre capitale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
