Alors que l’ombre des groupes armés plane toujours sur l’Est de la République Démocratique du Congo, le gouvernement opère un virage stratégique : transformer les amphithéâtres en champs de bataille idéologiques. L’Université de Kinshasa (UNIKIN) a accueilli ce mercredi une conférence cruciale, où Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, a livré un plaidoyer enflammé pour l’appropriation du narratif congolais par la jeunesse. Dans un contexte post-accord Washington RDC, cette initiative révèle-t-elle une prise de conscience tardive de l’importance du front médiatique dans la construction paix Est Congo ?
Face à un parterre de professeurs et d’étudiants, Muyaya a déployé une rhétorique martelant l’urgence patriotique : « L’enjeu principal du pouvoir au 21e siècle, c’est l’information. Si vous ne dites pas rapidement ce que vous faites, les populations peuvent être influencées par ce qui ne devrait pas l’être ». Un aveu implicite des lacunes dans la communication étatique, tandis que Kinshasa tente de consolider l’accord signé sous médiation américaine avec Kigali.
Le ministre a fustigé les « campagnes de démobilisation » rwandaises, appelant les étudiants à devenir des remparts contre la désinformation : « Ne tombez pas dans le piège des Rwandais qui disent qu’il y a discours de haine en RDC ». Cette conférence désinformation Kinshasa s’inscrit dans une stratégie plus large visant à créer des relais populaires pour la vision gouvernementale. Le recteur Jean-Marie Kayembe Ntumba a emboîté le pas, proclamant : « L’Unikin se tient debout et veut jouer sa partition pour la paix durable ». Une institution académique transformée en caserne de la propagande patriotique ?
Les réactions étudiantes semblent confirmer l’efficacité immédiate de l’opération. « Nous avons l’obligation d’informer notre entourage », a lancé un participant, tandis qu’une étudiante promettait de relayer « les explications reçues du ministre ». Ces engagements spontanés masquent-ils une instrumentalisation de la jeunesse estudiantine ? Patrick Muyaya ne s’en cache pas : « Je repars réconforté d’avoir gagné des alliés pour la cause ». La formule trahit une vision militarisée de la paix où chaque citoyen devient un combattant de l’information.
Derrière les discours sur la construction paix Est Congo, un enjeu plus profond émerge : la bataille pour le contrôle du récit national. Muyaya l’a souligné avec force : « L’image d’un pays dépend de ce que ses citoyens en disent ». Un constat qui explique la cible privilégiée de cette opération – la jeunesse universitaire, considérée comme un multiplicateur d’influence face aux récits antagonistes. Cette rencontre à l’UNIKIN ouvre une série de consultations similaires à travers le pays, dessinant les contours d’une diplomatie citoyenne inédite.
Reste à savoir si ce nouvel arsenal rhétorique suffira à contrer les dynamiques conflictuelles à l’Est. Alors que les armes se sont tues momentanément grâce à l’accord Washington RDC, la véritable victoire se jouera sur le terrain des consciences. La jeunesse congolaise, désormais enrôlée dans cette guerre narrative, devra démontrer qu’elle peut être plus qu’un simple porte-voix gouvernemental. Sa capacité à forger un contre-discours crédible face aux manipulations externes déterminera l’ancrage réel de la paix.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
