Un silence lourd s’est abattu sur l’avenue Saio ce dimanche 20 juillet 2025, là où bruissait naguère le froissement des pages et le murmure des discussions intellectuelles. Les Éditions Miezi, ce phare culturel né en 2021 de la vision d’Hervé Bia, ont tiré leur révérence, laissant un vide palpable dans le paysage kinsois. Comme un arbre déraciné en pleine floraison, cette fermeture brutale interroge : Kinshasa peut-elle encore nourrir ses oasis de savoir ?
Maître Hervé Bia, l’âme inspiratrice de ce projet, confie avec une lassitude teintée de mélancolie : « Nous fermons parce qu’au fil des années, nous avions eu de moins en moins d’énergie et d’attention à consacrer à ce rêve ». Ses mots, empreints d’une résignation douloureuse, résonnent comme un requiem pour un sanctuaire qui voulait démocratiser la lecture. À l’intersection des avenues Sport et Saio, ce lieu ne fut pas qu’une simple librairie ; il fut un laboratoire d’idées où s’élaborait ce choc intellectuel tant espéré pour le secteur littéraire en RDC.
La disparition des Éditions Miezi s’inscrit dans une inquiétante série noire. Six mois plus tôt, le Centre culturel Aw’art baissait déjà le rideau. Ces fermetures successives dessinent les contours d’une crise systémique frappant les centres culturels au Congo. Comment expliquer cet effritement progressif ? La réponse fuse, implacable : l’économie. Les maigres ressources, l’absence de soutien institutionnel, et cette indifférence chronique transforment les temples de la culture en châteaux de sable. Hervé Bia projet culturel se heurta aux mêmes écueils que nombre de ses pairs – un manque cruel de reconnaissance structurelle.
Pourtant, l’initiateur des Éditions Miezi refuse le pessimisme absolu. Derrière cette fermeture éditions Miezi, il perçoit l’éventualité d’une renaissance : « Je crois dur comme fer à un renouveau et une énergie renouvelée ». Cette résilience pointe vers un avenir où d’autres pourraient prendre le relais, à condition que Kinshasa « sauve les meubles ». Car chaque lieu culturel qui s’éteint est une bibliothèque qui brûle, un fragment de mémoire collective qui se dissout. Antoine de Rivarol ne disait-il pas que « l’homme sans culture est un arbre sans fruit » ?
La crise des lieux culturels à Kinshasa dépasse le simple cadre économique ; elle touche à l’identité même d’une capitale qui se rêve en phare culturel africain. Sans ces espaces où l’imaginaire se construit et les consciences s’éveillent, que reste-t-il ? Des coquilles vides où résonnerait l’écho des ambitions perdues. Les artistes et intellectuels congolais observent, désemparés, ce nouveau décès culturel. Combien de lumières devront s’éteindre avant que ne jaillisse une politique culturelle digne de ce nom ?
L’adieu aux Éditions Miezi sonne comme un avertissement. Dans ses rayonnages désormais vides, dans le silence de sa bibliothèque fantôme, persiste une question vitale : la RDC saura-t-elle préserver ses sanctuaires de pensée avant que ne s’efface définitivement cette fragile constellation culturelle ? Le temps presse, car chaque fermeture est une page arrachée au grand livre de la création congolaise.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc