Qu’ont en commun une footballeuse malienne, une Nobel iranienne et une opposante rwandaise ? Leur refus obstiné de plier sous le poids des normes répressives. Cette semaine, Aïssata Traoré, Narges Mohammadi et Victoire Ingabire incarnent à elles seules les visages multiples de l’engagement féminin en Afrique et au-delà, chacune affrontant ses propres barrières avec une ténacité qui force l’admiration.
À Kinshasa comme à Bamako, la nouvelle a électrisé les amoureux du sport : Aïssata Traoré devient la première Malienne à intégrer la prestigieuse NWSL américaine. Le 18 juillet, son contrat de trois ans avec le Boston Legacy FC a scellé l’ascension fulgurante de cette attaquante de 27 ans. « C’est une brèche ouverte pour toutes les footballeuses africaines », confie un entraîneur kinois sous couvert d’anonymat. Actuellement en prêt au FC Fleury 91 en France, son bilan – neuf buts et quatre passes décisives en vingt matches – témoigne d’un talent qui transcende les frontières. Cette percée dans le football féminin professionnel, domaine encore trop souvent marginalisé, résonne comme un symbole : la représentation africaine s’impose sur les terrains où elle était jadis invisible.
Pendant ce temps, derrière les murs de la prison d’Evin en Iran, un autre combat se joue dans l’urgence. Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023, a transmis un message glaçant le 11 juillet : les autorités l’ont menacée de mort si elle persistait dans son activisme. Son avocate évoque des « pressions explicites », tandis que le comité Nobel norvégien alerte sur son sort. Emprisonnée à répétition depuis 25 ans pour avoir dénoncé le voile obligatoire et la peine capitale, Mohammadi incarne la résistance face à l’étouffement des libertés. « Comment une lauréate du Nobel peut-elle craindre pour sa vie dans son propre pays ? » s’interroge une militante des droits humains à Goma. Cette intimidation calculée révèle la peur qu’inspirent les femmes militantes au cœur des régimes autoritaires.
Au Rwanda, c’est le système judiciaire qui sert de rempart contre une opposante de poids. Le 18 juillet, la justice a rejeté la libération sous caution de Victoire Ingabire, détenue depuis juin. Accusée d’avoir diffusé un manuel de résistance non violente – Comment faire tomber un dictateur – lors d’une formation en ligne, elle risque de replonger dans l’enfer carcéral qu’elle a connu de 2010 à 2018. « Ces accusations visent à museler toute voix critique », dénonce un avocat congolais suivant l’affaire. Le parquet rwandais y voit une « subversion », mais pour ses soutiens, cette détention préventive illustre l’étau qui se resserre sur l’espace politique. Dans un pays où la contestation est étroitement contrôlée, Victoire Ingabire reste un phare pour celles qui refusent le silence.
Ces trois parcours, bien que distincts, tissent une même trame : celle de femmes qui redessinent les frontières du possible. Traoré conquiert des terrains sportifs dominés par l’Occident, Mohammadi défie un régime théocratique au péril de sa vie, Ingabire résiste à un État répressif. Leur engagement féminin, en Afrique comme en Iran, montre que la quête de justice ignore les latitudes. Pourtant, une question persiste : pourquoi ces combats restent-ils si périlleux ? Au-delà des victoires individuelles, leurs luttes exposent les fractures systémiques – sexisme, autoritarisme, iniquité – qui entravent l’émancipation collective. Alors que leurs noms résonnent des stades aux prisons, elles rappellent avec force que changer le monde exige d’abord de briser les chaînes invisibles.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd