Comment expliquer que dans le Kongo Central, un élève finaliste sur cinq n’ait pas franchi les portes des centres d’examen du TENASOSP ? Cette désolante réalité, révélée par les chiffres officiels, interroge sur les fractures qui minent l’éducation congolaise. Sur 84 347 élèves attendus – dont près de la moitié de filles – dans les 326 centres provinciaux, plus de 20% ont brillé par leur absence lors de ce Test national de sélection et d’orientation scolaire et professionnelle achevé le 18 juillet.
Cette déperdition scolaire massive n’est pourtant pas uniforme. La province éducationnelle Kongo-Central 3, particulièrement dans le pool de Kimvula, présente un tableau alarmant. L’Inspecteur Principal Provincial Ben Benkelenge pointe du doigt un facteur implacable : les violences des miliciens Mobondo. « Les populations fuient les atrocités, abandonnant derrière elles le droit fondamental à l’éducation », déplore-t-il. Un constat qui souligne cruellement comment l’insécurité sabote l’avenir académique de toute une génération.
À l’autre bout du spectre, dans la province éducationnelle Kongo-Central 2, ce sont 4 679 absences qui alourdissent le bilan. L’IPP Véronique Atandjo identifie une cause structurelle : l’abandon scolaire économique. « Quand la survie quotidienne devient un combat, scolariser ses enfants relève du luxe inaccessible », analyse-t-elle. Cette précarité financière, endémique dans nombre de familles, crée une sélection sociale silencieuse mais brutale.
Malgré ce contexte délétère, une lueur d’espoir persiste. Plusieurs centres ont réussi à organiser le TENASOSP dans des conditions acceptables, comme en témoignent de nombreux élèves à la sortie des épreuves. Cette résilience locale montre que l’engrenage de la déperdition scolaire au Kongo Central n’est pas une fatalité. Mais jusqu’à quand ?
Jean Pierre Kokumbo, Inspecteur principal de Kongo-Central 1, propose une piste concrète : reprogrammer le TENASOSP avant l’Examen national de fin d’études primaires (ENAFEP). « Les frais du TENASOSP financent en grande partie l’ENAFEP », explique-t-il. Une logistique financière qui rend l’ordre des épreuves crucial pour la pérennité même de ces examens nationaux en RDC. Cette suggestion soulève une question fondamentale : comment bâtir un système éducatif cohérent quand sa mécanique dépend de ressources aléatoires ?
L’absentéisme au TENASOSP dépasse ainsi le simple constat statistique. Il révèle les failles béantes d’un écosystème éducatif pris en tenaille entre terreur armée et misère économique. Alors que la RDC tente de reconstruire son école, le cas du Kongo Central sonne comme un avertissement : sans sécurité territoriale et justice sociale, les réformes pédagogiques resteront lettres mortes. L’urgence n’est plus seulement de compiler les résultats, mais de protéger le droit élémentaire à se présenter devant sa copie d’examen.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net