Marie, épouse d’un caporal basé au camp Tshatshi, serre contre elle son sac de farine de maïs comme un trésor. « Avant, on choisissait entre payer le loyer ou manger. Aujourd’hui, avec ce prix subventionné, je vais nourrir mes enfants pendant un mois », confie-t-elle, les yeux brillants de soulagement. Comme elle, des centaines de familles militaires ont afflué mercredi dernier au camp Tshatshi où le Service national (SN) a écoulé 4 000 sacs de 25 kg à 18 000 francs congolais pièce – une aubaine face aux 75 000 francs exigés sur le marché kinois.
Le lieutenant-général Jean-Pierre Kasongo Kabwik, commandant du SN, a personnellement supervisé cette vente farine militaire, l’une des nombreuses opérations mensuelles alimentant les cantines militaires depuis septembre 2021. « Cette initiative répond à la vision du président Félix Tshisekedi : soutenir ceux qui protègent la nation », a-t-il déclaré, scrutant les registres d’achat sous le soleil écrasant de Kinshasa. Une démarche qui soulève une question cruciale : comment assurer la sécurité alimentaire des forces armées dans un pays miné par l’inflation ?
Derrière ce geste concret se profile un projet stratégique : la minoterie en construction au cœur du camp Tshatshi. Le général Kabwik en a inspecté les travaux, rappelant que son achèvement en août 2025 permettra une autonomie totale en farine. « Plus de dépendance aux aléas du marché », martèle un ingénieur du SN, montrant du doigt les silos en montage. Cette usine symbolise l’ambition du Service national Kinshasa de maîtriser la chaîne alimentaire – de la production à la distribution.
Pourtant, derrière l’enthousiasme officiel, des voix s’interrogent. Un sergent, préférant garder l’anonymat, glisse : « Le prix subventionné RDC est une bouée, mais que font ceux qui servent en province reculée ? ». La précarité des militaires congolais dépasse le simple accès à la farine : salaires irréguliers, infrastructures délabrées… Les cantines militaires ne sont qu’un pansement sur une plaie béante. Cette opération au camp Tshatshi révèle une réalité sociale criante : quand l’État ne protège pas ses protecteurs, c’est toute la sécurité nationale qui vacille.
Rappelons que le programme fut lancé en grande pompe par le chef de l’État lui-même le 12 septembre 2021. Trois ans plus tard, les sacs jaunes distribués au compte-gouttes cristallisent autant d’espoirs que de frustrations. Alors que la minoterie camp Tshatshi prend forme, reste à savoir si elle deviendra un levier de souveraineté alimentaire ou un symbole de promesses non tenues. Dans la cour du camp, une vieille dame résume l’enjeu en repliant son ticket de caisse : « La faim dans les casernes, c’est la première brèche dans nos défenses ».
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net