Dans un coup de force nocturne interrogeant les fondements de l’État de droit, une centaine de militaires de la garde républicaine RDC ont investi dans la nuit du 14 juillet la vaste propriété agricole Kashamata, appartenant à l’ancien chef de l’État Joseph Kabila. Arrivés en convoi militaire, ces éléments lourdement armés ont procédé à l’expulsion expéditive des agents de sécurité et travailleurs présents sur le site, selon plusieurs sources concordantes. Une opération menée sans présentation de mandat judiciaire qui plonge la région du Katanga dans une perplexité teintée d’inquiétude.
L’organisation Justicia ASBL, vigie des droits humains, a immédiatement dénoncé une violation flagrante des procédures légales. Maître Timothée Mbuya, son président, s’interroge : « Quelle autorité invisible a commandité cette intrusion armée ? En l’absence de toute procédure judiciaire engagée contre l’ex-président, cette opération militaire à Lubumbashi ressemble à un règlement de comptes politique déguisé en action sécuritaire ».
L’opération militaire sur la propriété de Kabila survient dans un contexte politique hautement inflammable. L’ancien président, récemment revenu d’un exil à Goma – zone sous contrôle rebelle –, fait l’objet d’accusations officielles de soutien à la rébellion M23. Faut-il y voir une réponse punitive après la levée de son immunité de sénateur à vie et l’ouverture d’un dossier judiciaire à l’auditorat général des FARDC ? Le silence des autorités civiles et militaires nourrit les spéculations les plus alarmistes.
Justicia ASBL enfonce le clou en soulignant le dangereux précédent créé par cette intervention : « Quand la force supplante le droit contre un ancien chef d’État, quelle protection reste-t-il au simple citoyen ? ». Maître Mbuya pointe une atteinte systémique à la sécurité juridique, rappelant que l’usage de la garde républicaine pour régler des contentieux privés sape les bases mêmes de la démocratie congolaise. La stratégie du pouvoir actuel, qui instrumentaliserait selon certains observateurs les institutions à des fins de persécution politique, montre ici ses limites les plus inquiétantes.
À Lubumbashi, épicentre de cette nouvelle bataille, le climat reste électrique. Les opérations ciblant les biens de la famille Kabila se multiplient-elles, comme en témoignent les récentes perquisitions à Kinshasa ? Cette escalade dans la confrontation avec l’ancien régime risque-t-elle de déstabiliser davantage un pays déjà miné par les conflits à l’Est ?
Alors que les militaires maintiennent une occupation discrète de la ferme Kashamata, l’absence de communication officielle transforme cette opération en épineux cas d’école. Entre règlement politique et lutte contre l’impunité, la frontière semble délibérément brouillée. Un jeu dangereux où les gardes républicains, supposés garants des institutions, apparaissent comme les exécutants d’un pouvoir aux motivations troubles. La balle est désormais dans le camp de la justice congolaise : saura-t-elle rétablir la primauté du droit ou entérinera-t-elle ce fâcheux précédent ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd