« L’épisode sanglant de Yumbi, les déplacements forcés dans les Hauts-Plateaux, les conflits en Ituri… Ces tragédies sont nourries par la haine ». La voix d’Anne-Marie Dongui, Directrice Adjointe du Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme (BCNUDH), résonnait dans la salle Alpha du quartier général de la MONUSCO. Face à des professionnels des médias et étudiants en journalisme réunis ce vendredi 11 juillet, son constat glaçait l’assistance : les discours de haine menacent l’âme même de la République Démocratique du Congo.
Cet atelier organisé par le Système des Nations Unies s’inscrit dans la campagne « Mieux Vivre Ensemble », lancée deux mois plus tôt. Une réponse urgente à la montée du tribalisme, de la désinformation et des contenus discriminatoires qui gangrènent le tissu social congolais, particulièrement amplifiés à l’ère numérique. Comment les médias peuvent-ils devenir des remparts plutôt que des amplificateurs de ces poisons sociaux ?
« L’incitation à la haine est une violation des droits humains fondamentaux », martèle Mme Dongui. Elle rappelle que si la liberté d’expression est sacrée, elle « comporte des devoirs et des responsabilités ». Un équilibre délicat que doivent maîtriser les acteurs médiatiques dans un pays où les contentieux historiques, les préjugés et les frustrations intergénérationnels constituent un terreau fertile pour les discours incendiaires.
Trois sessions ont structuré les échanges, chacune apportant un éclairage crucial. Jasbey Zegbia Wembulu, Secrétaire Général de l’UNPC, a planché sur « Médias, éthique journalistique et cohésion : une action responsable au service du vivre-ensemble ». Il a insisté sur la nécessité d’un journalisme contextualisé qui refuse les simplifications dangereuses. « Un titre maladroit peut allumer une mèche que rien n’éteindra », a-t-il averti.
Elysée Odia, Directrice Générale de Yabisonews.cd, a détaillé les mécanismes de prévention « de la collecte à la diffusion ». Son intervention pratique a montré comment vérifier une information sensible, choisir des termes neutres et désamorcer les potentiels vecteurs de division. « Le journaliste congolais doit être un chirurgien des mots : chaque terme doit être disséqué pour son impact social », a-t-elle illustré.
Enfin, Bruno Mbolison, Vice-président du CSAC, et Halidou Ngapna du BCNUDH ont respectivement abordé la régulation des médias et les détails opérationnels de la campagne « Mieux Vivre Ensemble ». Cette initiative a déjà touché 15 millions de Congolais grâce à une stratégie multicanale innovante, impliquant jeunes, universitaires et personnes vivant avec un handicap.
L’enjeu dépasse la simple déontologie professionnelle. Comme le souligne un étudiant en journalisme présent : « Dans nos quartiers, sur nos campus, les réseaux sociaux transforment les différences en armes. Nous devons désapprendre cette logique de confrontation ». Les participants ont particulièrement salué la création d’un cadre permanent d’échange entre générations de professionnels.
La RDC peut-elle se permettre de laisser les médias devenir, même involontairement, les caisses de résonance des divisions ? Cet atelier sonne comme un rappel : face aux discours de haine qui ont ensanglanté le Kasaï, l’Ituri ou le Tanganyika, l’éthique journalistique n’est pas un luxe, mais une condition de survie nationale. Le BCNUDH s’engage à accompagner durablement cette mutation des pratiques médiatiques vers un journalisme de paix. Car comme le conclut Anne-Marie Dongui : « Promouvoir la cohésion sociale, c’est reconstruire le Congo mot après mot, reportage après reportage ».
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
