La décision du Vice-Premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, de valider le bureau d’âge de l’assemblée provinciale du Kasaï Central fait l’effet d’une bombe politique. Cette validation intervenue après des consultations à Kinshasa, censée apaiser une crise persistante, provoque au contraire une levée de boucliers chez une majorité de députés provinciaux. Comment une mesure de résolution de conflit peut-elle exacerber les tensions à ce point?
À l’origine de cette crise institutionnelle, une décision controversée du bureau permanent dirigé par Daniel Lukusa : la mise à l’écart de deux députés pour absentéisme. Cette sanction a déclenché une vague de pétitions accusant le bureau de « mauvaise gestion » et d’« irrégularités administratives », aboutissant à sa déchéance. Un bureau d’âge fut alors installé dans la foulée, solution éphémère qui n’a fait que déplacer les lignes de fracture.
Les opposants à ce processus dénoncent avec virulence des vices de forme caractérisés : utilisation présumée d’un sceau frauduleux et vote de destitution en l’absence du président de l’assemblée. Cette validation par le Vice-Premier ministre de l’Intérieur, portée jusqu’au Conseil des ministres, légitimerait-elle des méthodes contraires à l’éthique parlementaire? La question hante désormais les couloirs de Kananga.
Dans une lettre cinglante adressée à Jacquemain Shabani, 18 députés provinciaux sur 32 – se réclamant majoritaires – exigent un revirement immédiat. Leur argumentaire frappe par sa charge symbolique : « Revenir au bon sens pour éviter à la province des conflits qui ne font que la retarder ». Sous cette formule diplomatique perce une accusation lourde : le gouvernement central cautionnerait des « violations de la loi et du règlement de l’assemblée ».
Cette crise ouverte pose un dilemme cornélien au Vice-Premier ministre de l’Intérieur. En soutenant le bureau d’âge, ne risque-t-il pas d’enraciner une légitimité contestée? À l’inverse, céder aux protestataires reviendrait à reconnaître l’échec de sa médiation. Le spectre d’une paralysie institutionnelle durable plane sur le Kasaï Central, province déjà éprouvée par d’autres défis.
Les implications dépassent le simple conflit de personnes. Cette validation du bureau d’âge pourrait créer un précédent dangereux dans la gestion des crises parlementaires provinciales en RDC. Quel message envoie le gouvernement central lorsqu’il entérine une solution née de pétitions contestées? La crédibilité même des processus délibératifs locaux s’en trouve ébranlée.
L’ultimatum des députés provinciaux rebelles place Jacquemain Shabani devant ses responsabilités. Sa réponse déterminera si le Kasaï Central sombre dans l’impasse institutionnelle ou trouve une issue négociée. Une chose est certaine : cette crise assemble provinciale au cœur de la RDC révèle les fragilités persistantes de notre architecture décentralisée. Le conflit entre bureau permanent et bureau d’âge n’est-il que l’arbre qui cache la forêt des dysfonctionnements territoriaux?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net