Dans une décision arbitrale rendue en avril 2024 et consultée par Bloomberg, l’homme d’affaires israélien Dan Gertler a formellement reconnu avoir effectué des paiements substantiels à Augustin Katumba Mwanke, conseiller clé de l’ancien président congolais Joseph Kabila. Ces déclarations, issues d’une procédure opposant Gertler aux frères Moises et Mendi Gertner en Israël, éclairent pour la première fois les mécanismes financiers sous-tendant les investissements miniers de l’homme d’affaires en République démocratique du Congo durant les années Kabila.
Le document détaille notamment comment Gertler affirme avoir vendu en 2006 des parts dans des permis d’exploitation d’or, de fer et de cuivre, détenues pour le compte de Katumba Mwanke et de partenaires locaux, pour un montant total de 120 millions de dollars américains. « Le mode de détention des droits pour Katumba n’était pas uniforme », a déclaré l’homme d’affaires selon la décision, précisant que dans certains cas, « une société pour moi, et une société pour Katumba » structurent ces holdings. Cette révélation intervient dans le cadre de l’affaire Gertler Kabila qui continue d’alimenter les débats sur la gouvernance minière congolaise.
Les déclarations sous serment de Gertler décrivent une relation d’affaires fondée sur des transferts d’argent conséquents : « Beaucoup d’argent a été payé à Katumba », aurait-il témoigné, ajoutant que « tout ce que j’avais, la moitié était à lui ». Ces propos, qualifiés d’« oraux et informels » par ses avocats, révèlent une répartition variable des actifs, oscillant entre 15% et 50% selon les opérations. L’arbitrage minier RDC met ainsi en lumière les arrangements opaques caractérisant le secteur sous l’ère Kabila.
Le témoignage inclut des affirmations troublantes sur l’influence de Gertler dans l’économie congolaise : « Je suis un roi à la Miba jusqu’à ce jour. Je suis un roi en RDC jusqu’à ce jour ». Plus concrètement, l’homme d’affaires a reconnu avoir accordé un prêt « en espèces » directement « à la Banque centrale du Congo en liquide », transaction que ses conseils juridiques présentent comme conforme aux pratiques de l’époque. Cette révélation interroge sur les circuits financiers parallèles durant cette période.
Après examen de plus de 10 000 pages de documents, le tribunal arbitral a condamné Dan Gertler à verser environ 85 millions de dollars aux frères Gertner – montant bien inférieur à leur demande initiale de 1,6 milliard. Toutefois, la sentence précise explicitement qu’elle ne statue pas sur la légalité des transactions évoquées, soulignant qu’« aucune preuve convaincante de corruption n’a été produite ». Gertler a depuis déposé une requête en annulation de cette décision, prolongeant une bataille juridique aux ramifications politiques évidentes.
Cette affaire Gertler Congo resurgit alors que Katumba Mwanke, décédé en 2012 dans un accident d’avion, était considéré comme l’architecte des réseaux économiques du régime Kabila. Interrogé par Bloomberg, un porte-parole de l’ancien président a catégoriquement nié toute implication de ce dernier dans les transactions décrites. Les répercussions de ces révélations pourraient-elles relancer les enquêtes sur les soupçons de Dan Gertler corruption qui pèsent depuis des années sur les contrats miniers congolais ? La question demeure ouverte alors que la RDC poursuit sa laborieuse refonte de la gouvernance des ressources naturelles.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd