Dans l’enceinte surchauffée du Camp Molayi, l’angoisse monte avec la nuit. Quand le soleil congolais disparaît derrière les collines de Matadi, l’obscurité envahit les couloirs de la prison centrale, transformant chaque ombre en menace potentielle. « L’obscurité accroît le risque d’évasion. C’est inadmissible », lâche Joseph Bikoko, directeur de l’établissement, le visage creusé par l’inquiétude. Son cri d’alarme résonne dans une structure coloniale devenue piège à humains, où près de 900 détenus survivent dans des conditions qui défient la dignité humaine.
Imaginez-vous enfermé dans cette fournaise: pas de lumière de 16h à 22h quotidiennement, l’eau qui ne coule qu’au compte-gouttes, et cette peur viscérale que les ténèbres deviennent complices d’une évasion massive. Comment en est-on arrivé là? La réponse se niche dans un réseau électrique défaillant et des canalisations agonisantes. La prison, alimentée par le circuit du Camp Molayi, subit des coupures intempestives tandis que la REGIDESO peine à maintenir la pression nécessaire pour l’approvisionnement en eau. « C’est seulement la nuit, lorsque les autres robinets sont fermés, que l’eau atteint la prison », soupire Bikoko, décrivant une course contre la montre pour remplir quelques bidons avant l’aube.
Derrière ces problèmes techniques se cache une tragédie humaine aux multiples facettes. Les détenus, entassés comme du bétail dans des cellules prévues pour moitié moins, doivent composer avec des toilettes bouchées, des plaies qui s’infectent faute d’hygiène, et cette humidité malsaine qui ronge les murs décrépis. Les gardiens, eux, surveillent avec des lampes de poche déchargées, conscients que chaque panne pourrait déclencher une mutinerie. N’est-ce pas un scandale que des conditions carcérales aussi dégradantes persistent en 2024?
Les solutions existent pourtant. Depuis janvier, un devis dort dans les tiroirs du gouvernement provincial : la création d’une ligne électrique directe depuis la cabine SNEL, estimée à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Simple question de volonté politique? Le directeur en est convaincu : « Une décision rapide des autorités provinciales pourrait tout changer ». Même urgence pour l’eau : un simple réglage de vanne par la REGIDESO permettrait de rétablir une pression normale. Mais les semaines passent sans action concrète, dans un silence assourdissant.
Cette crise des infrastructures carcérales à Matadi dépasse largement le cadre pénitentiaire. Elle interroge notre humanité collective face à ceux que la société a rejetés. Peut-on véritablement parler de réinsertion quand l’État prive les détenus des besoins élémentaires? Les coupures d’électricité et la pénurie d’eau potable créent une poudrière où sécurité publique et droits fondamentaux se heurtent cruellement. Si rien ne bouge, le Camp Molayi pourrait bien devenir le symbole tragique d’un système carcéral congolais à l’agonie, où chaque nuit sans lumière rapproche un peu plus du drame.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net