La forêt congolaise étouffe sous les assauts du braconnage. Au cœur du Maniema, le parc national de la Lomami, joyau de biodiversité, subit une pression insoutenable : des pièges mortels disséminés par des chasseurs clandestins déciment sa faune. Une hémorragie écologique qui a poussé à l’action radicale. Jeudi dernier, 72 éco-gardes fraîchement formés ont prêté serment à Dingi, gonflant les rangs des protecteurs à 154 agents. Trois mois d’entraînement intensif pour armer ces soldats de l’environnement contre un fléau qui ronge le poumon vert de la RDC.
« Nous sommes désormais les boucliers vivants de Lomami », lance Crispin Osoko, la voix nouée d’émotion. Son engagement résonne comme un cri de guerre dans cette bataille pour la survie du parc. Car les chiffres glacent le sang : chaque nuit, des dizaines de collets illégaux étranglent léopards et okapis, tandis que les fusils artisanaux déciment les troupeaux d’éléphants. Une situation que le chef de site Radar Nishuli qualifie de « course contre la montre » : « Notre ambition ? Constituer un commando de la conservation. Une unité d’élite formée ici même à Dingi, où nous corrigeons les erreurs passées ».
Ce centre stratégique, niché en lisière de la réserve, doit devenir le laboratoire de la protection du parc Lomami. On y affine les techniques de traque, on y apprend à désamorcer les conflits avec les communautés riveraines – premières pourvoyeuses de braconniers par nécessité économique. Le ministre provincial de l’Environnement, Lawamo Selemani, enfonce le clou devant les nouveaux éco-gardes : « Vous êtes des paramilitaires verts ! Sans discipline implacable, point de salut pour notre patrimoine ». Son avertissement fuse comme une balle : fini les compromissions avec les réseaux de chasse clandestine.
Mais comment en est-on arrivé là ? La réponse tient en un cercle vicieux. L’extrême pauvreté pousse les villageois à poser des pièges dans le parc Lomami, transformant la savane en champ de mines pour les espèces protégées. Les éco-gardes, trop peu nombreux jusqu’ici, luttaient en ordre dispersé contre ce fléau. Désormais, le commando conservation RDC compte frapper fort : patrouilles nocturnes, drones de surveillance, collaboration renforcée avec l’armée. Une stratégie musclée pour un parc menacé d’asphyxie.
Pourtant, l’espoir renaît avec ces 72 sentinelles supplémentaires. Leur serment scellé à Dingi sonne comme un ultimatum aux braconniers du Maniema. La protection du parc national passe désormais par une présence permanente sur le terrain, une intelligence tactique affûtée, et surtout, un dialogue renoué avec les populations locales. Car sauver Lomami, c’est aussi offrir des alternatives économiques à ceux qui voient aujourd’hui dans la chasse clandestine leur seule planche de salut. Le temps presse : chaque jour perdu est un arbre qui tombe, un animal qui disparaît. La nature congolaise attendra-t-elle encore longtemps ?
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net