Judith Bombole, mère de neuf enfants aux mains calleuses de labeur, défie les statistiques mondiales d’un regard fervent : « La Bible nous ordonne de remplir la terre ! ». Pourtant, dans l’ombre étouffante des maternités kinoises, le rapport 2025 de l’UNFPA vient rappeler une réalité implacable : une personne sur cinq dans le monde ne pourra jamais fonder la famille désirée. Alors que la Journée mondiale de la population s’ouvre ce 11 juillet sur le thème de l’autonomisation reproductive des jeunes, la gratuité de la maternité en RDC, lancée en grande pompe en 2023, suscite des remous dans les quartiers populaires.
« La véritable crise n’est pas celle des naissances, mais celle des choix ! » tonne Natalia Kanem, directrice de l’UNFPA. Son étude menée dans 14 pays dévoile un paradoxe glaçant : des millions rêvent de maternité sans y accéder, quand d’autres subissent des grossesses non désirées. En République Démocratique du Congo, où le taux de fécondité en Afrique compte parmi les plus élevés au monde, la politique de gratuité des soins obstétricaux dans les hôpitaux publics fait office de test grandeur nature. Mais derrière les annonces gouvernementales, qu’en est-il vraiment ?
« Arrêtons de croire que la gratuité des accouchements résout tout ! » s’emporte Tichick Tshiamala, observateur des réalités sanitaires congolaises. Son doigt pointe les angles morts du dispositif : « Comment parler de liberté procréative quand seules 30% des femmes accouchent en structure publique ? Quand après la naissance, les parents doivent affronter seuls le prix exorbitant des écoles ou des médicaments ? » Dans les ruelles de Matete, des mères interrogées confirment : la gratuité, souvent théorique, se heurte aux pénuries de matériel et au paiement informel exigé par un personnel sous-payé.
Le débat sur la planification familiale Congo prend alors des allures de fracture générationnelle. Sylvain, jeune activiste, salue le thème 2025 : « Une naissance doit être désirée, pas subie ! Savoir qu’on peut nourrir et éduquer son enfant, c’est ça la vraie dignité ». Face à lui, les convictions de Judith résonnent comme un défi : « Avorter ? Un péché ! Dieu pourvoira ». Entre ces extrêmes, des milliers de Congolaises naviguent sans boussole, écartelées entre pressions sociales et réalités économiques.
La question centrale persiste : comment concilier politiques publiques et aspirations intimes ? Alors que le rapport UNFPA 2025 prône congés parentaux et soins de fertilité accessibles, le système congolais peine à dépasser le stade symbolique. Dans les centres de santé oubliés du Kasaï, des sages-femmes dénoncent l’absence criante de contraceptifs. « On nous parle d’autonomie reproductive, mais beaucoup ignorent même l’existence des méthodes contraceptives », soupire une infirmière sous couvert d’anonymat.
Cette Journée mondiale de la population, née en 1987 quand la Terre franchissait les 5 milliards d’habitants, révèle ainsi un enjeu crucial pour la RDC : la gratuité peut-elle être autre chose qu’un pansement sur une fracture sociale béante ? Tant que l’accès à l’éducation sexuelle et aux services complets de santé reproductive restera l’apanage des villes, le rêve d’une fécondité choisie restera lettre morte. Comme le souligne amèrement une jeune étudiante kinoise : « Offrir l’accouchement gratuit sans offrir la liberté de choisir, n’est-ce pas une forme de tromperie ? ». Le chemin vers un « monde juste et plein d’espoir » promis par l’ONU semble encore long, semé d’obstacles où se mêlent traditions, croyances et urgences économiques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd