Une onde de stupeur traverse l’univers créatif congolais ce 10 juillet 2025. Comme un tissu précieux subitement déchiré, la disparition de Cherry Essam laisse un vide dans le paysage culturel de la République Démocratique du Congo. Le ministère de la Culture, Arts et Patrimoine a exprimé, par voie officielle, une émotion palpable devant la perte de ce maître-artisan dont les doigts ont brodé pendant un quart de siècle l’âme textile de la nation.
Qui pourrait oublier ces créations où chaque fil semblait chuchoter des histoires ancestrales ? Essam ne se contentait pas de vêtir les corps ; il habillait les rêves d’une génération avide d’affirmation identitaire. Son atelier était un laboratoire alchimique où les traditions kongo se mariaient aux audaces contemporaines, où le pagne cessait d’être simple étoffe pour devenir manifeste esthétique. Dans l’économie de la mode RDC, il fut ce bâtisseur obstiné qui croyait en la force d’une industrie locale, transformant le wax en armure symbolique contre l’uniformisation mondiale.
Le communiqué ministériel souligne avec justesse cette « vision artistique singulière » qui faisait de chaque robe un poème tissé, de chaque costume une architecture mobile. À travers ses collections, Essam célébrait cette élégance typiquement congolaise où la flamboyance des couleurs dialogue avec la sobriété des lignes. N’a-t-il pas montré au monde entier que le patrimoine textile congolais pouvait rivaliser avec les grandes maisons parisiennes ou milanaises ?
Derrière le créateur se cachait un pédagogue. Combien de jeunes stylistes ont éclos sous son aile bienveillante ? Son engagement pour la transmission transformait chaque défilé en leçon vivante, chaque boutique en école informelle. La relève actuelle de la mode RDC porte en elle les germes qu’il a patiemment semés – cet amour du détail précis comme une dentelle, cette fidélité aux racines qui empêche la création de sombrer dans le mimétisme.
L’hommage du ministère de la culture RDC résonne comme un kodia funèbre moderne : « Cherry Essam laisse derrière lui un héritage riche et vibrant, à la hauteur de sa passion et de son talent ». Au-delà des condoléances officielles adressées à sa famille et à la communauté artistique, c’est toute une nation qui reconnaît en lui un gardien des symboles. Son œuvre demeure ce pont fragile entre mémoire et modernité, entre le geste ancestral du tisseur et les défis d’une industrie globalisée.
Que restera-t-il de ce styliste congolais hors norme ? Sans doute ces étoffes qui continueront de danser sur les épaules des Congolaises, ces coupes audacieuses qui défient les saisons. Dans chaque fibre où survit son génie, Cherry Essam aura inscrit sa réponse ultime : la beauté comme acte de résistance, l’élégance comme manifeste politique. Le deuil est profond, mais la leçon demeure : un pays se construit aussi par les fils de soie et les ciseaux inspirés de ses artisans visionnaires.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc