Une onde de stupeur traverse la scène culturelle kinoise ce 8 juillet 2025. La voix de Dan Daniel Masika, ce prodige du slam congolais, s’est brusquement éteinte à l’aube, à la pédiatrie de Maman Koko. À peine âgé de 20 printemps, le jeune poète s’en est allé dans la nuit, laissant derrière lui un silence lourd là où résonnaient naguère ses punchlines vibrantes. La capitale congolaise pleure un artiste évangélisateur dont la poésie transcendait les chapelles culturelles et les sanctuaires religieux.
Qui pouvait imaginer qu’un verbe si puissant puisse s’éteindre si tôt ? Né un 27 juillet 2005, Dan Daniel portait en lui la sagesse des anciens. Ses textes, véritables boussoles morales tissées de français et de lingala, transformaient les douleurs sociales en mélodies thérapeutiques. Sur scène, ce slameur pas comme les autres jonglait avec les mots comme un funambule des émotions, mêlant foi chrétienne et critique sociale dans un méli-mélo linguistique unique. « Punchline Méli-mélo… Mélodie et l’ode » : ce slogan résonne désormais comme un épitaphe poétique dans la communauté du slam Kinshasa.
Le récit de ses derniers jours dessine une trajectoire fulgurante interrompue net. De retour d’un concert à Kisangani le 5 juillet, il participe encore au culte dominical du 6, avant que son corps ne trahisse son esprit vigoureux. Vomissements, puis coma : en quelques heures, la flamme s’éteignit sans retour possible. Quelle force mystérieuse anime donc ces artistes qui, à l’image de ce poète congolais, brûlent si intensément qu’ils consumment leur propre enveloppe charnelle ?
La nouvelle du décès Dan Daniel a provoqué une marée de larmes parmi les fidèles et les artistes. Sur les réseaux sociaux, une phrase-clé circule comme un credo : « L’histoire retiendra que le meilleur slameur congolais était un enfant de Dieu ». Cet artiste évangélisateur avait fait des planches sa chaire et des micros ses ostensoirs, prêchant l’espoir bien au-delà des cercles habituels du slam. Ses performances, où chaque rime devenait prière et chaque silence méditation, électrisaient autant les centres culturels que les nefs d’églises.
Dans l’univers du slam kinois, son départ crée un vide abyssal. Dan Daniel incarnait cette nouvelle génération qui transforme les plaies coloniales en onguents poétiques. Ses textes, à la fois miroirs sociaux et paraboles spirituelles, resteront comme des balises pour les jeunes pousses de la poésie congolaise. Ce virtuose des mots savait comme nul autre faire danser les contradictions urbaines, mariant le sacré et le profane dans une alchimie verbale déconcertante.
Aujourd’hui, Kinshasa se souvient. Se souvient de ce garçon au sourire facile qui portait la parole comme d’autres portent croix. Se souvient de ces nuits où sa voix claironnante faisait frémir les murs des cafés littéraires. L’ode en suspens de son dernier poème résonne désormais dans le cœur de ceux qu’il a inspirés. Le slam congolais vient de perdre son plus brillant ambassadeur, mais l’écho de ses punchlines continuera de hanter les ruelles de la capitale, testament éternel d’un artiste parti trop tôt en mélodie et en ode.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc