L’arrivée de la saison sèche à Kinshasa a opéré une mutation spectaculaire dans les marchés de la capitale congolaise. Dès les premiers frimas, étals et points de vente ont basculé vers une offre adaptée au climat plus frais, reconfigurant à la fois les habitudes de consommation et les équilibres économiques du secteur informel. Pourtant, cette réorganisation saisonnière masque une réalité plus âpre : des ventes atones et des prix alimentaires obstinément élevés malgré les attentes.
Dans les artères commerçantes de Matete à Ngaliema, les vêtements chauds ont supplanté les tenues légères. Bombers, pulls et bonnets s’empilent sur les étals des friperies, tandis que bas et chaussettes pour enfants font l’objet d’une demande soutenue, particulièrement auprès des parents et personnes souffrant de rhumatismes. Gastinelle, vendeuse au marché de Matete, dresse un constat sans appel : « Les clients admirent les bombers à 25 000 ou 30 000 francs, mais repartent les mains vides. Le pouvoir d’achat n’est plus là ». Une réalité que confirme Mamie, sur l’avenue de l’École à Ngaliema : « Les chaussettes à 1 000 ou 3 000 francs se vendent, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan des besoins ».
Côté produits frais, l’abondance apparente des légumes d’hiver – choux, carottes et aubergines – ne doit pas tromper. Si la disponibilité s’est améliorée, les prix des légumes en RDC résistent farouchement à la baisse saisonnière habituelle. Une marchande livre ce chiffre éloquent : « La caisse de tomates qui coûtait 30 000 francs en juillet les années précédentes s’achète encore entre 75 000 et 80 000 francs ». Quant aux fruits, oranges et pamplemousses proposés par Georges Senda à Matete, ils restent l’apanage d’une minorité solvable.
Cette tension sur les prix des produits saisonniers au Congo révèle les fragilités structurelles de l’économie informelle. Les commerçants fondent désormais leurs espoirs sur un réajustement tardif d’ici fin juillet ou début août. Mais cette attente ressemble à un pari risqué dans un contexte où l’inflation rogne méthodiquement le pouvoir d’achat. La saison sèche agit ainsi comme un révélateur implacable : l’adaptation des marchés kinois ne suffit pas à compenser l’érosion des revenus des ménages. Les étals peuvent bien se parer de couleurs hivernales, l’hiver économique, lui, semble s’installer pour longtemps.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net