L’hôtel Hilton de Kinshasa a servi de cadre lundi 7 juillet 2025 à un événement symbolique dans l’arène politique congolaise : le vernissage du livre « Stratégies pour mettre fin aux agressions militaires en Rd-Congo. M23 : conflit de trop » par Guylain Tshibamba, sous le patronage du ministre de la Communication Patrick Muyaya. Cette cérémonie, bien au-delà d’un simple rituel littéraire, s’apparente à une validation institutionnelle des thèses audacieuses développées dans cet ouvrage de 166 pages publié chez L’Harmattan. Le ministre, en cautionnant publiquement ce diagnostic sécuritaire, semble adresser un message codé aux détracteurs de la stratégie gouvernementale face aux agressions militaires récurrentes.
L’analyse de Tshibamba plonge dans les racines des conflits qui déchirent la RDC depuis 1994, pointant sans ambages le rôle du Rwanda agissant sous couvert du M23. L’auteur, journaliste et expert en stratégie de défense diplômé du prestigieux CHESD, ne se contente pas d’un constat historique. Il propose une refonte complète de la doctrine militaire congolaise, préconisant un renforcement substantiel des capacités opérationnelles des FARDC. Son argumentaire s’appuie sur des rapports internationaux et témoignages mettant en lumière les souffrances des populations, transformant l’ouvrage en véritable manifeste pour la souveraineté nationale.
La déclaration de Patrick Muyaya lors du vernissage a donné à cette publication une résonnance politique inattendue. En appelant à la constitution d’une armée d’un million de soldats, le ministre a transformé le diagnostic de Tshibamba en objectif stratégique officieux : « Nous avons un pays de 2.345.410 km², avec près de 11.000 km de frontières […] Il nous faut une armée forte, ce qui implique d’investir dans le recrutement, la formation et l’équipement ». Cette prise de position, assortie d’un hommage au « courage » de l’auteur, interroge sur l’orientation future des politiques de défense nationale. Le gouvernement semble-t-il reconnaître implicitement les insuffisances actuelles face aux agressions militaires ?
L’ouvrage de Tshibamba fonctionne comme un miroir tendu aux décideurs congolais, exposant sans fard l’urgence d’une réforme structurelle. Ses propositions concrètes – de la modernisation des équipements à la révision des doctrines de combat – dessinent les contours d’une armée capable de sécuriser efficacement les frontières et ressources naturelles. Le conflit M23, présenté comme « le conflit de trop », sert de catalyseur à cette réflexion stratégique. L’auteur y voit le symptôme d’une vulnérabilité chronique que seule une transformation profonde des institutions militaires pourrait enrayer.
En préconisant un alignement entre les ambitions présidentielles et les moyens alloués à la défense, Tshibamba place les autorités face à leurs contradictions. Son analyse suggère que les solutions techniques existent, mais qu’elles se heurtent à des blocages politiques et financiers persistants. La caution apportée par Muyaya à cet ouvrage marque-t-elle un tournant dans la reconnaissance officielle de ces lacures ? Ou n’est-elle qu’une opération de communication dans un contexte sécuritaire dégradé ?
L’événement dépasse le simple cadre culturel pour s’inscrire dans le débat stratégique national. Tshibamba, à travers son agence ICÔNES Créa & Stratégies et son cabinet ALL IN ONE, positionne son expertise au carrefour de la communication institutionnelle et de la sécurité nationale. Son livre pourrait bien devenir la référence incontournable dans les cercles décisionnels, à moins que ses propositions radicales ne restent lettre morte. La véritable question qui émerge est celle de la traduction concrète de ces analyses en politiques publiques : les stratégies de défense nationale préconisées résisteront-elles à l’épreuve des réalités budgétaires et géopolitiques ?
Alors que la RDC continue de faire face à des défis sécuritaires complexes, la publication de cet ouvrage et son endorsement ministériel ouvrent une fenêtre de réflexion critique. Le chemin entre diagnostic et mise en œuvre demeure semé d’embûches, mais la reconnaissance officielle de la nécessité d’une réforme en profondeur constitue en soi un premier pas significatif. L’efficacité des futures stratégies contre les agressions militaires dépendra de la capacité des autorités à transcender les déclarations d’intention pour engager des transformations structurelles audacieuses.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Eventsrdc