La province du Haut-Uele a offert ce lundi 7 juillet un spectacle inattendu : une journée ville-morte transformée en démonstration de normalité économique. Malgré l’appel lancé par la société civile Haut-Uele, les rues d’Isiro vibraient d’une activité insolente. Circulation fluide, marchés animés, écoles assidûment fréquentées – le boycott ignoré Isiro dessine un désaveu cinglant pour les initiateurs de cette opération contestataire.
Quel mécanisme a conduit à ce rejet populaire ? La veille, une synergie de mouvements citoyens RDC avait publiquement désavoué l’initiative, brandissant l’argument implacable de la précarité économique. « Appauvrir davantage une population qui vit au jour le jour » constituerait, selon eux, une faute stratégique. Cette fracture au sein des forces vives de la province révèle un malaise profond : jusqu’où peut-on sacrifier le quotidien des Congolais sur l’autel de la protestation politique ?
Le cœur du différend réside dans des allégations sensibles : détournements de fonds publics et ventes illicites de concessions dans la zone d’Akokoma, impliquant certaines autorités provinciales. Pourtant, comme le soulignent les mouvements dissidents, ces accusations font déjà l’objet d’une enquête Akokoma menée par une commission parlementaire locale. D’autres griefs contre l’exécutif provincial seraient également à l’étude. La société civile aurait-elle brûlé les étapes d’un processus institutionnel en cours ?
La position des opposants au boycott repose sur une analyse pragmatique : à quoi bon paralyser l’économie provinciale quand les mécanismes de contrôle semblent enclenchés ? Leur appel à « privilégier l’intérêt général » sonne comme un rappel à l’ordre adressé à des organisations parfois perçues comme déconnectées des réalités populaires. Cette défiance soulève une question fondamentale : quelle légitimité pour une société civile dont les mots d’ordre sont publiquement désertés ?
L’échec de cette opération ville-morte pourrait marquer un tournant dans les stratégies contestataires au Haut-Uele. Alors que l’enquête Akokoma progresse dans les couloirs de l’Assemblée provinciale, les mouvements citoyens semblent opter pour une pression institutionnelle plutôt que pour la confrontation frontale. Un réalisme politique qui, s’il marginalise les plus radicaux, interroge sur l’efficacité des méthodes de protestation traditionnelles dans un contexte économique asphyxié. Le prochain acte de ce dossier sensible dépendra désormais des conclusions parlementaires – et de la capacité des différents acteurs à canaliser les mécontentements sans brûler les ressorts vitaux de l’économie locale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net