Dans la chefferie des Bayeke, un projet structurant prend racine : le centre agropastoral intégré de Mumena. Cet ambitieux dispositif, fleuron du cahier des charges 2021-2025 de TFM SA, s’étend sur 146 hectares. Plus qu’une simple exploitation, il incarne une stratégie de développement rural intégré, calquée sur le modèle Songhaï du Bénin. Comment cette initiative peut-elle transformer l’économie agricole du Haut-Katanga ?
L’approche repose sur une synergie inédite : production agricole, élevage, pisciculture et transformation agroalimentaire s’y conjuguent. Trois piliers opérationnels soutiennent l’édifice. Les champs-écoles paysens (CEP) facilitent l’échange de savoirs techniques entre agriculteurs. Un dépôt communautaire centralise stockage et distribution, tandis qu’une usine produit semences améliorées et intrants, renforçant l’autonomie des producteurs locaux.
L’élevage constitue le cœur battant du dispositif. Le centre développera des géniteurs de haute qualité – poules, porcs, chèvres et moutons – pour doper la productivité animale régionale. En parallèle, la pisciculture prendra son essor via la production d’alevins de Tilapia et Clarias. Des pépinières d’acacias et sapins soutiendront la reforestation, complétées par une production d’engrais organiques. Cette circularité illustre une logique d’agriculture durable, où chaque maillon valorise les ressources locales.
La formation cristallise l’ambition transformatrice. Douze jeunes congolais, dont deux femmes, ont suivi un apprentissage pointu au Centre Songhaï au Bénin. Nancy Kisimba, désormais experte en élevage de poules pondeuses, témoigne : « La rareté des œufs locaux m’a motivée. Grâce à ce centre, nous rendrons cette production accessible ». Pascal Kavul, spécialiste en pisciculture, ajoute : « Nous importerons le savoir, mais pas les produits. Mon combat : faire consommer biologique et local ».
Ces jeunes deviendront les catalyseurs d’un écosystème entrepreneurial rural. Quelles retombées économiques en attendre ? Jovial Mibanga, agronome chez TFM, esquisse un impact multidimensionnel : « Nous ciblerons trois marchés : les communautés locales, les entreprises minières régionales, et les provinces voisines comme le Haut-Lomami ou le Kasaï ». Cette triangulation commerciale pourrait générer un flux annuel substantiel de produits agricoles et animaux.
Le projet s’annonce comme un rempart contre l’insécurité alimentaire chronique. En développant l’élevage durable au Congo, il réduira la dépendance aux importations coûteuses. La production d’intrants locaux abaissera les coûts pour 15 000 agriculteurs ciblés, selon les estimations. À terme, ce centre pourrait couvrir 40% des besoins en œufs et poissons d’élevage dans un rayon de 150 km.
L’innovation réside dans son modèle économique intégré. En associant formation pratique et accès au marché, il crée un circuit vertueux : les récoltes des CEP alimenteront le dépôt communautaire, tandis que les jeunes diplômés commercialiseront leurs produits via le réseau TFM. Cette verticalité assure une viabilité financière souvent absente dans les projets agricoles.
Le centre agropastoral Mumena pourrait bien devenir un laboratoire de la résilience rurale. Si les objectifs sont atteints, il démontrera comment l’agro-industrie peut épouser les réalités paysannes. Son succès reposerait sur un équilibre délicat : industrialisation mesurée des processus sans étouffer l’initiative locale, et commercialisation à grande échelle préservant la qualité biologique. La RDC parviendra-t-elle à répliquer ce modèle ? L’avenir du secteur agricole congolais s’écrit peut-être dans ces 146 hectares du Katanga.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd