Dans un contexte d’urgence alimentaire sans précédent en République Démocratique du Congo, une initiative inédite émerge au Kongo Central. Cédric Bakambu, l’emblématique attaquant de l’équipe nationale et du Real Betis Séville, a officiellement présenté ce 8 juillet 2025 à Matadi son projet agricole ambitieux. Implantée à Kinzau-Mvuete dans le territoire de Seke-Banza, cette future usine dédiée à la culture du maïs représente bien plus qu’un simple investissement personnel : elle constitue une réponse concrète à la crise alimentaire qui frappe le pays.
« Cela fait deux ans que nous travaillons sur ce projet avec ma fondation », a confié Bakambu, visiblement ému lors de la soumission du dossier au vice-gouverneur provincial. Cette démarche marque une évolution significative dans l’engagement des sportifs congolais, traditionnellement cantonnés aux actions caritatives ponctuelles. Comment transformer le capital symbolique du football en levier de développement durable ? Le joueur international semble avoir trouvé une piste avec cette ferme agricole qui pourrait servir de modèle.
Le timing de ce lancement interpelle tant il résonne avec les derniers chiffres alarmants du Programme Alimentaire Mondial. Quel avenir pour un pays où 28 millions de personnes – soit près d’un quart de la population – souffrent d’insécurité alimentaire aiguë ? La situation s’est détériorée à vitesse inquiétante, avec 2,5 millions de personnes supplémentaires plongées dans la précarité alimentaire en seulement trois mois. Pis encore, près de 4 millions de Congolais atteignent désormais le niveau d’urgence selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire.
L’est du pays paie le plus lourd tribut, notamment les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu où 10,3 millions d’habitants luttent quotidiennement contre la faim. Mais le Kongo Central n’est pas épargné, faisant de l’initiative de Bakambu un laboratoire pertinent. Cette région fertile mais sous-exploitée pourrait-elle devenir le grenier du pays grâce à ce type d’investissement football RDC ?
L’analyse économique révèle plusieurs enjeux structurants. D’abord, la culture ciblée – le maïs – n’a pas été choisie au hasard. Cette céréale représente l’aliment de base pour 70% des ménages congolais selon la FAO, mais sa production locale couvre à peine 60% des besoins nationaux. Ensuite, le modèle « usine agricole » proposé intègre vraisemblablement toute la chaîne de valeur, depuis la semence jusqu’à la transformation, créant ainsi des emplois non délocalisables. Enfin, le choix de s’appuyer sur la Fondation Cédric Bakambu garantit une gouvernance locale, évitant certains écueils des projets agro-industriels internationaux.
Cette diversification vers l’agriculture par une figure du sport interroge aussi sur l’évolution des stratégies d’investissement des élites congolaises. Alors que les capitaux nationaux préfèrent traditionnellement les secteurs miniers ou import-export, Bakambu ouvre une voie nouvelle. Son engagement pourrait inspirer d’autres personnalités, transformant ainsi le paysage économique. Dans un pays où le football représente un capital social immense, cette ferme maïs Bakambu devient un symbole : celui de la reconversion des ressources sportives en outils de souveraineté alimentaire.
Reste la question de l’impact réel face à l’ampleur des défis. Le projet agricole Kongo Central pourra-t-il infléchir des tendances structurelles aggravées par les conflits armés et l’inflation galopante (15,8% sur un an selon la Banque Centrale) ? Les experts rappellent que la solution réside dans la multiplication de telles initiatives plutôt que dans des actions isolées. Néanmoins, la valeur exemplaire de ce projet piloté par une icône populaire est incontestable. Elle démontre que la lutte contre l’insécurité alimentaire Congo nécessite aussi l’implication des forces vives nationales, au-delà des seuls acteurs étatiques et internationaux.
À l’heure où le PAM alerte sur une crise « d’une ampleur jamais vue », l’investissement de Cédric Bakambu agriculture apparaît comme un pari audacieux. S’il réussit son implantation, cette ferme pourrait semer les graines d’un nouveau modèle économique : celui où le ballon rond finance non plus des voitures de luxe, mais des silos à grains. La prochaine récolte sera scrutée comme un indicateur bien au-delà des limites du Seke-Banza.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Eventsrdc