« Voir enfin reposer Floribert dans un sanctuaire, c’est la consécration de notre combat pour la vérité », murmure Jacques, fidèle de Goma les yeux embués, tandis que les préparatifs s’accélèrent pour la translation historique du corps du Bienheureux Floribert Bwana Chui Bin Kositi. Ce mardi 8 juillet 2025, la cathédrale Saint-Joseph de Goma devient le théâtre d’une cérémonie chargée de symboles : le transfert solennel des restes du martyr depuis le cimetière de Kanyamuhanga vers ce sanctuaire d’adoration, épicentre d’une ferveur religieuse qui dépasse largement les frontières du diocèse.
Dans une rare synchronisation spirituelle, Kinshasa répondra présent à travers une messe d’action de grâce célébrée par le cardinal Fridolin Ambongo à la paroisse Notre-Dame de la Sagesse. Cette double célébration, soigneusement orchestrée par le diocèse de Goma, élève Floribert Bwana Chui au rang de « patrimoine national spirituel », selon les termes de la correspondance épiscopale. Un modèle de sainteté pour la jeunesse congolaise, lui qui paya de sa vie son refus de compromission.
Depuis samedi 5 juillet, un triduum de prière imprègne toutes les paroisses du diocèse de Goma, prélude à cette consécration. Monseigneur Willy Ngumbi n’a pas caché son émotion lors de son appel à la mobilisation : « Chaque prière est une pierre ajoutée à l’édifice de sa béatification. Participons massivement pour que cette translation s’accomplisse dans la dignité qu’il mérite. » La veillée de prière prévue témoigne de l’intensité spirituelle qui entoure cet événement.
À 9 heures précises ce mardi, la célébration eucharistique marquera le transfert définitif du corps vers sa dernière demeure. Le diocèse de Goma insiste sur la portée de ce geste : rendre grâce pour la reconnaissance par l’Église d’un fils de Goma, ancien fonctionnaire de l’Office Congolais de Contrôle (OCC), comme « bienheureux et martyr de l’honnêteté et de l’intégrité morale ». Un titre lourd de sens dans un pays encore miné par la corruption.
Le sacrifice de Floribert Bwana Chui résonne avec une actualité brûlante. En juillet 2007, ce jeune cadre de l’OCC et membre actif de la communauté Sant’Egidio fut enlevé après avoir bloqué l’entrée de denrées alimentaires non conformes en provenance du Rwanda. Son corps fut retrouvé deux jours plus tard dans la concession de l’hôtel Karibu, près de l’ULPGL. Son crime ? Avoir opposé une résistance inflexible aux pressions corruptrices. Sa mort devint le symbole tragique d’un système qui élimine les justes.
La CENCO et le diocèse de Goma appellent désormais médias catholiques et mouvements d’apostolat à unir leurs voix dans un hommage empreint de ferveur. Comment ne pas entendre l’écho des paroles du cardinal Ambongo lors de la béatification à Rome le 15 juin dernier ? « Au cœur des violences de l’Est, la sainteté de Floribert est un signe de Dieu parmi son peuple souffrant. Son exemple doit guider notre combat contre la corruption. » Une interpellation qui dépasse le cadre religieux pour toucher à l’éthique nationale.
Alors que les cloches de la cathédrale Saint-Joseph s’apprêtent à carillonner, une question persiste : cette vénération collective saura-t-elle inspirer une transformation concrète des consciences ? La translation du corps du Bienheureux Floribert Bwana Chui n’est pas qu’un rite religieux ; c’est un défi lancé à toute une nation pour qu’elle choisisse enfin la voie de l’intégrité. Dans les rues de Goma comme à Kinshasa, des milliers de fidèles répondront par leur présence, espérant que le martyr de l’honnêteté devienne le phare d’une RDC en quête de valeurs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd