Dans les collines du Sud-Kivu, Marie, déplacée pour la troisième fois cette année, partage le même bol de manioc entre ses cinq enfants. « Hier, nous avons mangé des feuilles. Demain ? Dieu seul sait », murmure-t-elle, le regard perdu vers les terres qu’elle a dû fuir. Son témoignage n’est pas une exception, mais le reflet d’une tragédie nationale : la République Démocratique du Congo est engluée dans la pire crise alimentaire de son histoire récente.
Les chiffres officiels du Cluster Sécurité Alimentaire glacent le sang : 28 millions de Congolais, soit un quart de la population, ont désormais besoin d’une aide humanitaire d’urgence. Entre septembre 2024 et mai 2025, l’insécurité alimentaire aiguë a grimpé de 10%, avec une escalade vertigineuse de 28% en phase de crise et 39% en phase d’urgence. Comment en est-on arrivé à cette famine en RDC qui frappe sans distinction enfants et vieillards ?
À l’est du pays, la tempête parfaite s’est abattue : violences armées incessantes, déplacements massifs de populations et effondrement des infrastructures vitales. L’aéroport de Goma, poumon logistique du Nord-Kivu, reste fermé, étranglant l’acheminement de l’aide. Au Sud-Kivu, sur 400 000 déplacés recensés, 60% sont en insécurité alimentaire sévère. En Ituri et au Tanganyika, les conflits fonciers et la destruction des moyens de subsistance créent des zones mortes où aucune aide ne pénètre.
« La souffrance des populations congolaises ne peut plus être ignorée », alerte Jagan Chapagain, Secrétaire Général de la FICR. « Nous faisons face à une crise évitable si nous agissons maintenant. » Son appel poignant résonne dans le vide d’une aide humanitaire dans l’Est-Congo en plein effondrement : à peine 6% des 1,11 milliard de dollars requis ont été mobilisés. Conséquence directe ? Sur 7,3 millions de personnes ciblées, 2,6 millions risquent de ne jamais recevoir la moindre assistance.
Le Cluster Sécurité Alimentaire tire pourtant la sonnette d’alarme sur une urgence d’une gravité inédite. Dans l’Est congolais, les populations sont prises en étau entre les balles des milices, l’impossibilité d’accéder aux champs et l’effondrement des marchés locaux. La crise nutritionnelle au Kivu atteint des niveaux catastrophiques, avec des enfants présentant des retards de croissance irréversibles. Les centres de santé, submergés, doivent choisir qui nourrir en priorité.
Derrière les statistiques glaçantes se cache une réalité sociale déchirante : des familles réduites à un repar jour, des paysans devenus mendiants dans leur propre pays, une génération sacrifiée. La fermeture des routes commerciales et la flambée des prix des denrées de base transforment le manioc en produit de luxe. Combien de Marie devront encore voir leurs enfants s’endormir le ventre vide avant que la communauté internationale ne se réveille ?
Cette catastrophe annoncée pose une question fondamentale sur notre humanité collective : peut-on encore parler de solidarité internationale quand un pays sombre dans la famine sous les yeux du monde ? La RDC croule sous les richesses naturelles, mais ses enfants meurent de faim. Le paradoxe est cruel, la réponse inadéquate. Sans mobilisation immédiate, cette crise alimentaire risque de laisser des cicatrices indélébiles sur le tissu social congolais pour des décennies.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
