À Goma, où les défis des femmes congolaises se heurtent souvent au silence, une voix puissante émerge des pages de deux ouvrages poignants. Bybyley Salama, mère célibataire, a présenté en juin ses livres autobiographiques “Les mots de mes maux” et “Amour et croissance”, tirés de son vécu dans une relation destructrice. « J’ai écrit quand j’étais dans la dépression, sans voir le bout du tunnel », confie-t-elle, décrivant ce double témoignage comme un chemin de guérison pour elle-même et les milliers de femmes partageant son calvaire.
Comment notre société perpétue-t-elle ces souffrances ? Bybyley pointe du doigt l’éducation genrée dès l’enfance : « On inculque à la femme qu’elle doit subir, que c’est elle seule qui bâtit le foyer. Pourtant, un foyer se construit à deux ». Cette pression sociale, selon l’auteure, pousse des femmes à rester dans l’enfer conjugal par peur du jugement, « quitte à mourir ». À travers ces livres autobiographiques en RDC, elle brise ce silence complice, refusant tant la victimisation que la vengeance.
Le premier ouvrage, “Les mots de mes maux”, plonge dans l’abîme des relations toxiques. « Ce n’est pas pour me venger, mais pour éclairer une réalité que tant vivent en secret », explique Salama. L’écriture fut sa thérapie, son cri libérateur face à une société goma souvent sourde aux drames intimes. Le second livre, “Amour et croissance”, trace quant à lui le chemin de la renaissance : « C’est l’histoire d’une femme fragmentée qui comprend que l’amour de soi permet de se reconstruire ». Un message d’espoir crucial dans l’est de la RDC, région marquée par les conflits et les inégalités persistantes.
La cérémonie de lancement a révélé l’ampleur du phénomène. « Les questions du public m’ont montré que ces sujets sont des maux profonds », souligne Bybyley, désormais déterminée à en faire son combat. Sans appui organisationnel, cette résiliente compte multiplier les rencontres, notamment avec des jeunes filles, pour déconstruire les schémas ancestraux. Sa démarche ? Privilégier le dialogue avant la rupture : « Je conseille aux femmes de parler à leur conjoint. Mais quand leur vie est en danger, partir devient vital ».
Son témoignage résonne comme un électrochoc dans une société congolaise où 35% des femmes subissent des violences conjugales selon des ONG locales. « Même après l’enfer, on peut guérir. Je suis encore dans ce processus », insiste-t-elle, refusant d’incarner la victime éplorée. Ses livres, vendus 20 USD pièce à Goma, deviennent des outils de résistance. D’autres présentations sont prévues, car comme le souligne Salama : « Ces relations toxiques sont des tueurs silencieux. J’en parlerai encore et encore, quitte à déranger ».
Derrière ces pages se dessine un enjeu sociétal majeur : jusqu’à quand la RDC ignorera-t-elle l’urgence de repenser la place des femmes ? L’initiative de Bybyley Salama ouvre une brèche dans l’indifférence, prouvant que l’autonomie par l’écrit peut être un acte révolutionnaire. Comme elle le clame avec une force tranquille : « Chacun a son seuil de tolérance. Quand il est atteint, il faut partir ». Un mantra libérateur pour des générations de Congolaises étouffées par les traditions.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd