L’Hôpital Général de Référence de Mutwanga dans le territoire de Beni vient de prendre une décision qui risque de lourdement impacter des centaines de femmes enceintes : la fin immédiate de la gratuité des soins de maternité. Un programme pourtant vital, lancé par le gouvernement congolais en juin 2024 pour garantir un accès universel aux soins périnataux.
Le Dr Paluku Kasongo Germain, médecin directeur de l’établissement, a annoncé cette mesure radicale lors d’une réunion cruciale le 3 juillet :
« À partir du 5 juillet 2025, seules les consultations pour les enfants de 0 à 5 ans resteront gratuites. Les services d’accouchement deviennent payants, et si aucune solution n’est trouvée d’ici le 19 juillet, tous les services seront tarifés »
. Cette décision, prise dans l’attente d’une réaction gouvernementale, répond à une situation financière intenable pour la structure médicale.
Comment un programme conçu pour sauver des vies maternelles et infantiles a-t-il pu dérailler si rapidement ? La réponse réside dans un problème structurel : le non-paiement chronique du personnel soignant. Madame Marie Sambreti, cheffe du service Genre, Famille et Enfants, révèle une réalité alarmante :
« Médecins, infirmiers, sages-femmes vivent une difficulté inimaginable. Ils n’ont même pas reçu la prime de gratuité promise »
. Un paradoxe cruel pour ces professionnels qui, malgré tout, ont permis grâce au « plateau technique solide » de sauver de nombreuses vies en gynécologie et néonatalogie.
Rappelons que l’objectif initial de cette gratuité maternité en RDC était ambitieux : éliminer les barrières financières responsables de 70% des décès maternels évitables selon l’OMS. En rendant accessibles les consultations prénatales, l’accouchement médicalisé et les soins postnataux, le programme visait explicitement la réduction de la mortalité maternelle qui frappe encore durement le Nord-Kivu. Une approche préventive qui avait porté ses fruits, plusieurs centaines de femmes ayant bénéficié de soins complets à Mutwanga.
Pourtant, ce recul intervient moins d’un an après le lancement national par le président Tshisekedi en septembre 2023. Un programme qui concernait théoriquement plus de 2 millions de bénéficiaires selon les chiffres officiels. La zone rurale de Mutwanga, comme d’autres régions congolaises, se retrouve ainsi face à un dilemme angoissant : comment maintenir des soins de qualité sans ressources ?
Le Dr Kasongo insiste sur l’urgence de la situation :
« Cette mesure évite l’irréparable dans nos structures »
. Une allusion claire au risque de paralysie totale des services si les fonds manquants ne sont pas débloqués. La signature de l’avenant pour les structures confessionnelles apparaît comme le seul espoir de résolution rapide.
Quelles conséquences pour les futures mamans ? La tarification forfaitaire introduit un obstacle financier redoutable dans une région où 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les spécialistes de santé maternelle au Congo s’inquiètent d’un possible retour aux accouchements à domicile ou aux pratiques traditionnelles risquées. Un véritable recul pour la couverture santé universelle, alors que les complications liées à la grossesse restent la première cause de décès chez les femmes en âge de procréer au Nord-Kivu.
Le paradoxe est saisissant : alors que Madame Sambreti salue les avancées techniques « qui ont sauvé des vies », l’absence de soutien financier durable compromet ces progrès. Cette crise à l’hôpital de Mutwanga pose une question fondamentale : une politique de santé maternelle peut-elle être viable sans un financement pérenne des ressources humaines ? La réponse conditionnera l’avenir de milliers de femmes à Beni et au-delà.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd