La République démocratique du Congo confie désormais la sécurisation de ses ressources stratégiques à une figure controversée du mercenariat moderne. Erik Prince, ancien officier des Navy SEALs et fondateur de Blackwater, a été mandaté pour protéger mines, forêts et sites pétroliers nationaux. Cette décision intervient dans le cadre d’un accord bilatéral avec les États-Unis, actuellement en finalisation.
Des installations minières aux zones forestières sensibles, le dispositif sécuritaire congolais subit une transformation majeure. Le milliardaire américain coordonnera également la collecte des taxes minières et la lutte contre la contrebande transfrontalière. Une mission officiellement signée avec le ministre des Finances Doudou Fwamba Likunde.
Qui est réellement cet homme clé du secteur minier RDC ? Né en 1969, Erik Dean Prince a bâti sa réputation sur les champs de bataille. Après son service dans la marine américaine, il créa Blackwater Worldwide, société militaire privée impliquée dans plusieurs scandales en Irak et en Afghanistan. Depuis la cession de l’entreprise en 2010, il oriente ses activités vers la sécurisation des ressources naturelles via le Frontier Services Group.
Le contexte congolais justifie-t-il ce choix ? Le secteur minier RDC représente l’épine dorsale de l’économie nationale, mais souffre de pillages systématiques et de fraudes fiscales. Des groupes armés contrôlent illégalement certaines exploitations, tandis que la contrebande de minerais priverait l’État de milliards de dollars annuels. La gouvernance économique du secteur extractif nécessite des réformes urgentes.
Cette collaboration s’inscrit dans une stratégie géopolitique plus vaste. Les États-Unis renforcent leur influence en Afrique, particulièrement après leur médiation dans l’accord de paix RDC-Rwanda. La sécurisation des mines en RDC répondrait à un double objectif : stabiliser la région des Grands Lacs et garantir l’approvisionnement en minerais critiques pour les industries occidentales.
Des opérations similaires sont déjà déployées par Prince au Mozambique, en Libye et en Haïti. Son modèle combine expertise paramilitaire et gestion logistique dans les zones à risques. Mais son passé soulève des inquiétudes légitimes. Blackwater fut impliquée dans le massacre de la place Nisour à Bagdad en 2007, où 17 civils innocents furent tués. Des accusations de violations des droits humains poursuivent l’entreprise à travers ses successeurs.
Comment concilier ce bilan avec la protection des populations congolaises ? Le gouvernement défend ce partenariat comme une solution pragmatique aux défaillances sécuritaires chroniques. Des sources sécuritaires évoquent la création de centres de commandement intégrés et la modernisation des systèmes de surveillance. Mais des observateurs internationaux redoutent une privatisation excessive de la souveraineté étatique.
La question centrale demeure : cette externalisation renforcera-t-elle réellement la gouvernance économique RDC ? Prince promet un système transparent de traçabilité des minerais et de collecte fiscale. Des audits indépendants seraient prévus pour contrôler les flux financiers. Pourtant, des parlementaires congolais réclament déjà des garanties sur la supervision étatique des opérations.
Cette implication survient à un moment charnière. La filière cobalt – dont la RDC produit 70% du volume mondial – fait face à une demande exponentielle. Sécuriser les mines devient crucial pour attirer les investissements étrangers. Mais à quel prix éthique ? Des organisations civiles dénoncent le risque de substituer une violence mercenaire aux exactions des milices locales.
La réussite de cette mission conditionnera l’avenir du secteur minier RDC. Si les méthodes de Prince réduisent effectivement la contrebande et augmentent les recettes fiscales, le modèle pourrait s’étendre à d’autres pays africains. Mais un échec ou des dérives sécuritaires compromettraient la crédibilité internationale du Congo. L’ombre de Blackwater plane désormais sur le cœur minier de l’Afrique.
Article Ecrit par Cédric Botela