27.7 C
Kinshasa
samedi, juillet 5, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéJusticeAvortement en RDC : Le Protocole Maputo ignoré malgré les morts clandestines

Avortement en RDC : Le Protocole Maputo ignoré malgré les morts clandestines

Le paradoxe législatif entourant l’interruption volontaire de grossesse en République Démocratique du Congo révèle une fracture alarmante entre les dispositions juridiques et leur application sur le terrain. Alors que le Code pénal congolais réprime sévèrement l’avortement sous l’article 165, prévoyant des peines de cinq à quinze ans de servitude pénale, une exception légale ancienne mais méconnue subsiste pour les cas mettant en péril la vie de la mère.

Me Gisèle Nakuto, avocate spécialisée en droit de la santé, souligne ce hiatus juridique :

« Ce que beaucoup ignorent, c’est qu’une exception existe en droit congolais depuis très longtemps : si la grossesse met en péril la vie de la femme enceinte, l’interruption est légalement autorisée, sous supervision médicale »

. Pourtant, cette disposition reste lettre morte, victime d’une méconnaissance généralisée parmi les professionnels de santé et les magistrats, reléguant ainsi les femmes dans une zone d’ombre judiciaire.

La ratification par la RDC du Protocole de Maputo en 2018 aurait dû constituer une avancée majeure. Ce texte continental garantit pourtant explicitement, à son article 14, le droit à l’avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste, de danger pour la santé physique ou mentale de la femme, ou de malformation fœtale grave. Mais cinq ans après cette adhésion, le protocole demeure inopérant, faute d’intégration dans la législation nationale et sans mécanisme d’application concret. Comment expliquer qu’un instrument juridique ratifié n’ait toujours pas force de loi ?

L’avocate Nakuto déplore cette inertie :

« En théorie, toute femme victime de viol devrait bénéficier d’un avortement sécurisé. En pratique, les hôpitaux hésitent à le pratiquer, craignant des poursuites judiciaires »

. Ce vide réglementaire engendre des conséquences dramatiques : des femmes sont encore poursuivies, voire emprisonnées, pour avoir interrompu une grossesse non désirée, y compris dans des contextes de violences sexuelles. Les sanctions frappent indistinctement les patientes et le personnel médical, créant un climat de terreur judiciaire.

Face à ce flou juridique sur l’avortement en RDC, la recrudescence des avortements clandestins à Kinshasa et dans les provinces atteint des proportions sanitaires critiques. Selon les estimations de l’OMS, plus de 50% des interruptions volontaires de grossesse en Afrique subsaharienne sont réalisées dans des conditions à risque. Bien que les données épidémiologiques précises fassent défaut en RDC, les organisations non gouvernementales signalent une augmentation inquiétante des complications mortelles liées à ces pratiques illicites.

La réforme légale de l’avortement devient dès lors une impérieuse nécessité. Me Nakuto plaide pour l’adoption urgente de mesures concrètes : intégration des dispositions du Protocole de Maputo dans le droit positif congolais, formation systématique des magistrats et personnels de santé sur les exceptions légales, et instauration d’un cadre de dialogue intersectoriel. Ces propositions visent à concrétiser le droit des femmes à l’avortement sécurisé dans les cas prévus par le protocole, tout en luttant contre l’hécatombe des avortements clandestins.

Pourtant, ces avancées se heurtent à de tenaces résistances socioreligieuses. L’avocate analyse :

« Dans notre société, la femme est encore perçue comme un réceptacle, jamais comme un sujet de droit. Parler d’avortement, même dans les cas les plus graves, reste tabou »

. Au-delà des blocages culturels, c’est la crédibilité même de l’État de droit qui est en jeu lorsque des instruments internationaux ratifiés restent inappliqués. La non-implémentation du Protocole Maputo au Congo perpétue une violation silencieuse des droits fondamentaux, transformant des exceptions légales en chimères inaccessibles.

La voie vers une application effective des textes existants nécessitera une volonté politique affirmée, couplée à une campagne nationale de sensibilisation déstigmatisant l’avortement thérapeutique. Comme le conclut Me Nakuto :

« Il ne s’agit pas de promouvoir l’avortement, mais de garantir le droit à la vie, à la santé, à la dignité »

. L’urgence est désormais d’empêcher que des femmes ne continuent de mourir dans l’ombre d’un vide juridique mortifère.

Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd

Commenter
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Actualité Populaire Liée

Actualité Populaire RDC

Résumé de l'actualité quotidienne

Le Brief du Jour du 04 Juillet 2025

Bienvenue dans Le Brief du Jour, le rendez-vous quotidien pour saisir l’essentiel de l’actualité en RDC et à l’international en moins de trois minutes....

Derniers Appels D'offres

Derniers Guides Pratiques