Les billes claquent encore dans nos mémoires, écho fantomatique d’une compétition qui a tenu la planète en haleine. Trois jours seulement après sa mise en ligne, la troisième – et a priori dernière – saison de Squid Game a fait tomber un nouveau record Netflix : 60,1 millions de vues et la première place du Top 10 dans les 93 pays suivis par la plateforme. Jamais une série n’avait atteint un tel score aussi vite – un raz-de-marée numérique qui rappelle l’impact du lancement initial en 2021, mais en version XXL.
Au-delà des chiffres, c’est surtout l’intensité des conversations qui impressionne. Dans les ruelles de Kinshasa comme sur les forums de Séoul, on débat de la « dernière partie », de ses ramifications sociales et de la charge émotionnelle qu’elle libère. Les spectateurs louent une mise en scène encore plus immersive, des épreuves d’une brutalité inédite et une photographie qui transforme chaque décor en métaphore grinçante du capitalisme débridé. Sans rien divulguer de la conclusion, disons simplement que le final divise : certains y voient un coup de poing de lucidité ; d’autres espéraient une note d’espoir plus franche.
Le créateur Hwang Dong-hyuk lui-même a confirmé avoir longtemps envisagé une issue plus lumineuse avant d’opter, au terme de multiples brouillons, pour « un choix qui résonnerait davantage avec la réalité crue ». Cet aveu, livré lors d’une interview récente, a ravivé les conversations sans pour autant gâcher le visionnage – preuve qu’on peut parler d’un dénouement sans le réduire à un résumé.
Côté casting, la saison magnifie les retours attendus (Lee Jung-jae, Lee Byung-hun) tout en introduisant des nouveaux venus qui volent parfois la vedette. Im Si-wan campe un joueur à la moralité fuyante, tandis que Park Gyu-young offre une partition tout en fractures, miroir des résistances que vivent nombre de femmes congolaises confrontées à un quotidien précaire. Chaque performance est travaillée comme un relief de tableau ; les visages derrière les masques roses n’ont jamais semblé aussi humains – et terrifiants à la fois.
Le dernier plan – dont nous tairons la nature exacte – ouvre la porte à de vastes spéculations : spin-off international ? préquelle ? suite spirituelle ? Hwang reste ferme : le chapitre est bouclé, même si l’univers pourrait s’étendre ailleurs. Ce double discours alimente l’obsession collective ; les réseaux se remplissent de théories, de fan-arts, de relectures philosophiques. L’engouement rappelle combien Squid Game est devenu un langage commun – une grammaire pop qui permet de parler dette, compétition, dignité, sans aligner une seule équation économique.
Enfin, l’onde de choc sociétale n’épargne pas la RDC. Dans les cours d’école de Bukavu, on reproduit le jeu de la marelle façon « Squid Game » ; dans les cafés de Lubumbashi, on décortique la symbolique des couleurs ; et sur les plateaux radio, des économistes analysent la « taxe morale » que la série impose à nos consciences. Sans spoiler, on peut dire que la conclusion incite à réfléchir à ce que coûte – parfois en vies – la loyauté au sein d’un système inégalitaire.
Qu’on acclame ou qu’on conteste son ultime virage, Squid Game version 2025 nous laisse une certitude : l’arène n’est plus seulement coréenne, elle est mondiale. Peut-être est-ce là l’essentiel : nous rappeler, du fleuve Han au fleuve Congo, qu’il est urgent de revoir les règles d’un jeu où l’adrénaline du gain fait parfois oublier la valeur d’une vie. Yvan Ilunga, sans révéler la dernière carte, vous invite donc à regarder, débattre… et surtout rester en vie loin de l’aire de jeu.