Le visage creusé par la faim, Akim serre contre lui son enfant fiévreux devant la tente de fortune. Comme des milliers d’autres réfugiés sud-soudanais en Ituri, il a fui les combats en mars 2025 pour trouver l’enfer de la précarité à Kakwa. « Nous dormons à quinze dans une case, sans moustiquaires ni nourriture suffisante », confie-t-il, la voix brisée. Cette réalité quotidienne frappe 30 000 personnes entassées dans la chefferie de Kakwa, territoire d’Aru, où une crise humanitaire silencieuse prend une ampleur catastrophique.
Arrivés épuisés après avoir traversé la frontière, ces déplacés survivent grâce à l’hospitalité de familles locales déjà vulnérables. Une solidarité qui atteint ses limites. « Nos réserves de manioc sont épuisées depuis deux semaines », témoigne Mama Koko, habitante d’un village d’accueil. Comment espérer nourrir des bouches supplémentaires quand on peine à subsister ? Cette cohabitation forcée crée une pression insoutenable sur des ressources déjà maigres.
Face à l’urgence, MSF RDC a déployé des cliniques mobiles. Les chiffres révèlent une tragédie sanitaire : sur 1 600 consultations, plus de 70% concernent le paludisme. « Le taux de malnutrition infantile atteint 6%, un seuil d’alerte critique », explique Frédéric Manacho, chef de mission. Les enfants présentent des œdèmes caractéristiques, signes de carences extrêmes. Sans intervention rapide, combien succomberont aux maladies évitables ?
La situation des réfugiés dépasse le simple manque de médicaments. Pas d’abris décents, pas de latrines fonctionnelles, pas de kits d’hygiène. Les femmes accouchent à même la terre battue. Pendant ce temps, les autorités coutumières sonnent l’alarme sécuritaire. « Ces camps informels sont trop proches de la frontière sud-soudanaise », insiste le chef de groupement Kakwa. Des tensions intercommunautaires pourraient naître de cette promiscuité, sans parler des incursions armées possibles.
L’appel de MSF résonne comme un cri dans le désert : mobilisation immédiate nécessaire pour nourriture, moustiquaires et produits de première nécessité. Mais au-delà de l’aide d’urgence, la question fondamentale persiste : jusqu’à quand laissera-t-on les déplacés Kakwa en RDC vivre dans cet entre-deux mortifère ? Le transfert vers des sites plus sécurisés à l’intérieur du pays semble inévitable, mais qui portera ce projet ? Cette crise met en lumière la faillite d’un système international trop lent à réagir quand des vies se jouent dans l’ombre des frontières oubliées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net