Dans le paysage vibrionnant de la littérature africaine contemporaine, une voix nouvelle fuse, chargée du poids de l’histoire et de la grâce des métaphores. Murielle Musao, figure montante du slam congolais, dévoile son recueil Tremplin, un objet littéraire de 52 pages où chaque strophe résonne comme un écho des douleurs enfouies. L’ouvrage, né sous l’égide de son ASBL Cœur des Anges, se présente comme un pont jeté entre les décombres du passé colonial et l’horizon lumineux de la renaissance africaine.
« C’est un cri que chaque Africain héberge dans son cœur », confie la poétesse lors d’une récente Murielle Musao interview. Son inspiration puise aux sources tumultueuses de la mémoire collective, transformant la souffrance historique en énergie créatrice. Le titre même de l’œuvre, Tremplin, agit comme une clé herméneutique : il symbolise cette impulsion salvatrice qui permet de bondir par-dessus les abîmes de l’histoire. Ne s’agit-il pas là de la fonction ultime de la poésie congolaise : transcender les plaies pour en extraire la sève régénératrice ?
L’Afrique, et singulièrement le Congo, constitue le cœur battant de cette écriture. Musao s’attache à « redonner voix à ce qui a été effacé », tissant sa parole poétique avec les fils invisibles des récits occultés. Son public ? Ces « oubliés » de l’histoire, ces femmes, ces jeunes, ces rêveurs auxquels elle adresse un message d’émancipation. À travers des vers ciselés, elle convoque les figures tutélaires, notamment Aimé Césaire, dont l’engagement révolutionnaire irrigue sa propre quête identitaire.
Parmi les 52 pièces de ce recueil poèmes Congo, Poème-mort se détache comme un diamant noir. Murielle Musao y condense l’essence même de son projet : une alchimie où la douleur se transmute en espoir, où le deuil devient germe de renaissance. « Que nos douleurs ont une mémoire… mais qu’elles peuvent devenir des semences d’espérance », murmure-t-elle, telle une prêtresse des mots. Ce recueil n’est-il pas finalement un manifeste pour la jeunesse africaine, appelée à faire de son passé un levier plutôt qu’un boulet ?
Alors que la poétesse envisage d’approfondir son exploration du slam congolais, voire de s’aventurer vers le roman, Tremplin s’impose déjà comme un jalon essentiel de la création littéraire francophone. Chaque page vibre de cette tension féconde entre mélancolie et utopie, entre l’âpre réalité et le rêve nécessaire. Dans l’écosystème culturel congolais, ce recueil poèmes Congo fonctionne comme un sismographe enregistrant les tremblements de l’âme collective.
L’œuvre de Murielle Musao, loin d’être un simple exercice esthétique, s’affirme comme un acte politique délicat. Par sa poésie, elle réhabilite les mémoires meurtries tout en traçant des chemins vers l’avenir. Tremplin n’est pas un aboutissement, mais un point de départ : celui d’une aventure littéraire où les mots deviennent des armes pacifiques pour reconstruire l’imaginaire africain. Et si la véritable décolonisation commençait par cette reconquête poétique du récit ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
