« J’ai cru que ma maison allait s’écrouler sur nous. L’eau montait si vite qu’on a dû fuir en pleine nuit avec les enfants », raconte Julienne, mère de trois enfants dans le quartier de Mangobo. Son témoignage résume le cauchemar vécu par des milliers de Kinois de la Tshopo, frappés par des inondations dévastatrices après une pluie diluvienne historique dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2025. Les eaux ont transformé les rues en torrents, paralysant Kisangani et révélant une vulnérabilité urbaine alarmante.
Dans les communes de Kabondo, Plateau Boyoma, Tshopo et Mangobo, le bilan est lourd : habitations submergées, biens personnels réduits à l’état de débris, et routes devenues impraticables. Des familles entières ont passé des heures les pieds dans une eau boueuse et contaminée, certaines évacuées en urgence par des voisins solidaires. Plusieurs maisons, fragilisées par la force des courants, se sont partiellement ou totalement effondrées, laissant leurs occupants sans abri. Comment une métropole provinciale peut-elle ainsi sombrer dans le chaos après quelques heures de précipitations ?
Les experts environnementaux pointent du doigt une combinaison de facteurs structurels. En premier lieu, un drainage défectueux RDC, avec des caniveaux saturés de déchets et incapables d’absorber le déluge. « Les réseaux d’évacuation sont obsolètes et mal entretenus », explique un ingénieur civil sous couvert d’anonymat. À cela s’ajoute une urbanisation anarchique à Kisangani, où des constructions précaires empiètent sur les zones inondables et les bassins versants naturels. La déforestation massive autour de la ville aggrave le phénomène, réduisant la capacité des sols à retenir l’eau. Cette catastrophe naturelle en RDC n’est donc pas une simple fatalité climatique, mais le résultat de décennies de négligence urbanistique.
Malgré l’ampleur des dégâts matériels, un maigre réconfort : aucune perte humaine n’a été signalée. Mais derrière ce miracle apparent se cache une précarité accrue. Des commerces ont été détruits, des écoles inondées, et l’accès à l’eau potable est désormais un défi quotidien. « On survit, mais pour combien de temps ? », interroge un résident de Plateau Boyoma, les yeux rivés sur les fondations fissurées de sa maison. Les autorités provinciales promettent une aide d’urgence, mais les habitants restent sceptiques, habitués aux promesses non tenues après chaque crise.
Ces inondations à Kisangani soulèvent des questions cruciales sur l’avenir des villes congolaises. Jusqu’à quand tolérera-t-on l’extension désorganisée des zones habitées au mépris des normes environnementales ? La répétition de tels désastres – comme cette pluie diluvienne dans la Tshopo – expose l’urgence de repenser l’aménagement urbain. Investir dans des infrastructures résilientes et contrôler l’expansion immobilière ne sont plus des options, mais des impératifs pour éviter que le prochain orage ne se transforme en tragédie humaine. Kisangani, aujourd’hui meurtrie, doit devenir le symbole d’un sursaut national face aux défis climatiques et sociaux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net