La terre de Rutshuru, autrefois généreuse, ne rend plus aujourd’hui que désolation. « À mon retour, j’ai repris mon travail au champ. Mais je suis très déçu : je n’ai même pas pu récolter un sac. Nous souffrons beaucoup », confie un cultivateur, les mains vides et le regard perdu vers son lopin desséché. Comme des centaines d’autres déplacés agriculteurs du Nord-Kivu, il découvre l’amère réalité : la première saison culturale depuis leur retour tourne au désastre.
Après jusqu’à deux ans d’exode dans des camps précaires, ces familles nourrissaient l’espoir de retrouver une stabilité grâce à leurs champs. Mais les perturbations climatiques ont anéanti leurs récoltes dans plusieurs bassins agricoles vitaux. Comment reconstruire quand la nature elle-même semble se liguer contre eux ? Les sacs vides s’accumulent, symbole cruel d’un avenir compromis.
Derrière cet échec récolte à Rutshuru se cache une vérité climatique implacable. Les pluies capricieuses et les périodes de sécheresse prolongées ont grillé les semences. « Quand le soleil frappe trop fort sans que les arbres ne fassent écran, tout brûle », explique un agronome local. Ces perturbations climatiques dans l’agriculture de la RDC révèlent une urgence écologique : la déforestation massive a rompu l’équilibre protecteur des microclimats.
Face à ce désastre, les spécialistes multiplient les formations. « Nous sensibilisons sur le respect strict des périodes de semis et la préservation des arbres », insiste un technicien agricole. Mais comment appliquer ces conseils quand l’estomac crie famine ? La prochaine saison exige des intrants urgents – semences résilientes et outils – mais aussi un accompagnement technique pour éviter que le scénario ne se répète. Sans cela, la crise alimentaire au Nord-Kivu deviendra inévitable.
Un autre obstacle, plus insidieux, se dresse devant ces paysans : l’accès à la terre agricole au Congo. Nombre d’entre eux louaient leurs parcelles avant leur déplacement. Aujourd’hui sans ressources, ils ne peuvent honorer les redevances exigées par les propriétaires. « Sans titre foncier, nous sommes à la merci des propriétaires qui doublent parfois les tarifs », dénonce une cultivatrice mère de cinq enfants. Cette précarité foncière aggrave la vulnérabilité de ceux qui tentent de renouer avec une vie normale.
Les appels à l’aide internationale se multiplient dans cette région oubliée. Les organisations humanitaires sont attendues pour une intervention d’urgence, mais l’aide ponctuelle suffira-t-elle ? Cet échec agricole dépasse le simple cadre climatique : il questionne notre capacité à protéger ceux qui nourrissent la nation. Quand les mains qui travaillent la terre ne peuvent même plus la toucher faute de moyens, ne signons-nous pas l’arrêt de mort de notre sécurité alimentaire ? La détresse de Rutshuru sonne comme un avertissement : sans justice foncière et politique agricole adaptée, le cercle vicieux de la faim ne sera jamais brisé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net