L’odeur âcre des ordures stagnantes se mêle aux cris des vendeurs et aux klaxons désespérés. À Matadi Kibala, sur la route nationale n°1, l’anarchie a transformé cet axe vital reliant Kinshasa au Kongo Central en un couloir de chaos. Des monticules de déchets abandonnés après curage obstruent les caniveaux, tandis que des centaines de vendeurs déversent leurs étals sur la chaussée, réduisant la voie à un étroit passage où camions poids lourds, passagers et marchands se livrent une bataille quotidienne.
« Je demande à l’Hôtel de Ville de mettre des camions à disposition pour évacuer ces ordures. Regardez cette poubelle à ciel ouvert ! », s’indigne Gauthier Mwais, habitant du quartier, désignant des sacs plastique éventrés qui jonchent le macadam. Ses paroles résonnent comme un cri dans le vacarme des embouteillages, où chaque jour des milliers d’usagers subissent des heures de retard. Les images parlent d’elles-mêmes : une jeune vendeuse de sel accroupie à côté d’un amas de détritus, des câbles électriques pendants au-dessus de marchandises précaires, des trottoirs disparus sous l’invasion commerciale.
Mais pourquoi cette débâcle urbaine ? Robert Kalonji, acteur communautaire, pointe du doigt un drame d’urbanisme : « Depuis le déménagement du marché vers le camp PM, le nouveau site est saturé. Des centaines de vendeurs sans toit se rabattent sur la route, au mépris du danger. » Cette congestion mortifère sur la RN1 n’est pourtant pas une fatalité. Elle révèle l’échec cuisant des politiques d’aménagement dans le Kongo Central, où l’absence d’espace structuré pour les vendeurs routiers de la RDC se paie au prix fort : accidents, pertes économiques, et santé publique sacrifiée.
Les conséquences dépassent la simple gêne. Comment un axe stratégique pour l’économie nationale peut-il devenir un symbole de négligence ? Chaque camion bloqué dans ces bouchons interminables signifie des denrées périssables perdues, des médicaments qui n’arrivent pas à destination, des coûts de transport qui grèvent le panier de la ménagère. Pire, cette cohabitation forcée entre enfants vendant à même le sol et poids lourds zigzaguant crée un cocktail explosif où la prochaine tragédie n’est qu’une question de temps.
Face à ce désastre, l’appel des habitants fuse vers les autorités urbaines et provinciales : il faut désengorger d’urgence cette artère. Évacuer les ordures qui empoisonnent l’air et bloquent les écoulements d’eau. Réaménager des espaces de vente décents pour sortir ces commerçants de la chaussée. Sans action rapide, la congestion entre Kinshasa et Matadi continuera d’étouffer non seulement le trafic, mais l’avenir même d’une région clé. La RN1 mérite-t-elle de rester un champ de bataille où l’improvisation l’emporte sur la dignité humaine ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd