Dans un discours marquant le 65e anniversaire de l’indépendance, le président Félix-Antoine Tshisekedi a déployé une rhétorique habile entre mémoire collective et projection géostratégique. Articulant son propos autour de cinq piliers fondamentaux, le chef de l’État a opéré un subtil équilibre entre hommage aux pères fondateurs et affirmation d’une nouvelle doctrine diplomatique. La commémoration s’est transformée en tribune pour un plaidoyer sur la souveraineté congolaise face aux convoitises internationales.
Le premier axe, chargé d’émotion, a ressuscité l’héritage des héros de 1960, établissant un continuum symbolique entre les combats d’hier et ceux d’aujourd’hui. Mais c’est sur le dossier brûlant de l’Est que Tshisekedi a concentré sa démonstration la plus audacieuse. Qualifiant l’accord signé à Washington de « véritable promesse de paix », il a néanmoins assorti cet optimisme d’une mise en garde sans ambiguïté : justice sera exigée pour les victimes des atrocités, indépendamment des tractations diplomatiques. Cette position schizophrénique révèle-t-elle la difficile conciliation entre réalisme politique et exigence populaire ?
L’annonce phare concerne le partenariat économique Congo-USA, présenté comme le fer de lance d’une reconquête économique. Dans une formule choc, le président a martelé que « les ressources de la RDC n’appartiendront à personne d’autre qu’au peuple congolais », répondant ainsi aux critiques sur la prédation étrangère. Cette déclaration, qui résonne comme un manifeste anti-néocolonial, cache-t-elle pourtant des concessions inavouables ? Le projet de transformation en « acteur central de l’économie verte » semble ambitionner une révolution industrielle fondée sur la valeur ajoutée locale, mais les modalités pratiques restent dans l’ombre.
Dans l’opposition, Martin Fayulu a immédiatement tempéré l’enthousiasme présidentiel. Prenant acte de l’accord paix RDC Rwanda, le leader de l’ECIDE a exigé un « dialogue national inclusif » pour adresser les causes structurelles du conflit. Sa critique la plus cinglante vise l’engagement gouvernemental à traquer les FDLR : « Ce prétexte permanent sert à masquer l’agression subie par la RDC », a-t-il fustigé, rejetant le lexique diplomatique des « mesures de défense ». Cette réaction souligne le fossé entre la narration présidentielle et les scepticismes de l’opposition.
L’appel à l’unité nationale clôturant le discours Tshisekedi indépendance apparaît comme le vœu pieux d’un pouvoir confronté aux réalités fracturées du territoire. Alors que le gouvernement brandit l’accord avec Kigali comme preuve de sa maturité diplomatique, Fayulu rappelle que la paix durable nécessitera des mécanismes inclusifs dépassant les signatures protocolaires. Le 65e anniversaire aura donc exposé la tension permanente entre souveraineté proclamée et dépendances acceptées, entre mémoire sélective et avenir incertain. La véritable indépendance se mesurera à l’aune des prochains mois : les minerais congolais parviendront-ils vraiment à financer le développement plutôt que les conflits ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net