Dans une déclaration cinglante publiée ce lundi à l’occasion du 64e anniversaire de l’indépendance congolaise, l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) a adopté une position en demi-teinte face à l’accord RDC-Rwanda scellé à Washington le 27 juin. Si le mouvement politico-militaire dirigé par Corneille Nangaa reconnaît un “pas certes limité, mais utile”, ses réserves substantielles jettent une ombre inquiétante sur l’efficacité réelle de ce dispositif diplomatique.
“Cette entente ne couvre qu’une infime partie de la cause réelle du conflit”, a asséné M. Nangaa, qualifiant sans ambages la réduction de la crise politique Est Congo à un simple contentieux bilatéral de “supercherie inacceptable”. Ce verdict sans appel interroge fondamentalement l’architecture des négociations en cours. L’AFC/M23 campe sur ses positions : seul le processus paix Doha RDC sous médiation qatarie constituerait un cadre légitime, car imposant selon eux des “discussions directes” avec Kinshasa.
La réaction de Corneille Nangaa se mue en véritable réquisitoire contre le gouvernement congolais, accusé de “torpiller systématiquement” les pourparlers par son “intransigeance”. Le leader rebelle pointe un double écueil : les massacres persistants dans le Haut et Moyen Plateau du Sud-Kivu et les attaques des groupes Wazalendo contre les civils. Dans cette logique, les revendications du mouvement ne pourraient être satisfaites que par une “résolution holistique” ciblant directement les pratiques du président Tshisekedi, taxé de tribalisme et de discours de haine.
Fait notable, l’AFC/M23 tente de se construire une légitimité d’acteur responsable en énumérant ses “gestes concrets de bonne foi” : cessez-le-feu unilatéral, repositionnement à Walikale, ou collaboration humanitaire avec la MONUSCO. Stratégie habile ou véritable changement de cap ? La question demeure en suspens alors que Nangaa martèle qu'”aucune solution militaire” ne saurait résoudre durablement la crise congolaise. Son appel final aux leaders religieux de la CENCO, qualifiés d'”artisans infatigables de la paix”, suggère une recherche de relais d’influence au-delà du champ militaire.
Ce positionnement crée un dilemme cornélien pour Kinshasa : comment concilier l’impératif de stabilité régionale incarné par l’accord de Washington avec la revendication d’inclusivité portée par l’AFC/M23 ? La réponse à cette équation complexe déterminera l’issue du conflit armé Sud-Kivu. Une chose est certaine : en conditionnant son adhésion à un cadre dont il exige de co-définir les règles, le mouvement de Nangaa place le gouvernement congolais devant un miroir déformant où se reflètent ses contradictions les plus aiguës. La balle est désormais dans le camp de Kinshasa, sommé de choisir entre le dialogue inclusif qu’il rejette et l’enlisement militaire qu’il dénonce.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd