Le tribunal militaire de garnison de Butembo a ouvert ce 26 juin une série d’audiences cruciales à Lubero-Centre, dans le territoire du même nom au Nord-Kivu. Quatre-vingt-douze prévenus, parmi lesquels figurent quarante-cinq éléments des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et quarante-sept civils, comparaissent pour des crimes haineux commis sur une période s’étendant de 2021 à 2024. Les accusations portent principalement sur des violences sexuelles systémiques, des viols aggravés, des enlèvements d’enfants et des extorsions de fonds, selon le réquisitoire déposé par le ministère public.
Cette procédure judiciaire d’envergure, prévue pour durer une dizaine de jours, bénéficie d’un appui logistique et financier substantiel de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC (MONUSCO). La section d’information publique de l’organisation onusienne à Beni a confirmé l’implication technique de ses services, soulignant que ces crimes constituaient des violations flagrantes du droit international humanitaire. Comment de telles exactions ont-elles pu perdurer pendant près de trois ans dans une région sous surveillance internationale ?
Parmi les parties civiles, la Ligue des Femmes du Nord-Kivu, représentée par sa coordinatrice Hélène Makule, a exprimé des attentes précises lors d’une déclaration recueillie par la MONUSCO : « Nous exigeons que les auteurs identifiés soient sévèrement punis conformément à la loi congolaise. Trop souvent, des prévenus présumés incarcérés circulent en liberté, mettant en péril les défenseurs des droits humains et les victimes ». L’organisation féminine réclame notamment l’application intégrale des peines pour briser le cycle d’impunité récurrent dans la province.
Ce procès s’inscrit dans une dynamique judiciaire accrue du tribunal militaire de Butembo, activé depuis un an pour réprimer les infractions liées à l’état de guerre. L’avancée des rebelles du M23 et la prolifération des groupes armés locaux ont exacerbé les violences sexuelles utilisées comme arme de terreur. Les audiences de Lubero-Centre revêtent ainsi une dimension pédagogique essentielle : démontrer que même les uniformes ne protègent pas de la rigueur de la loi.
Les débats, suivis avec attention par la société civile du Nord-Kivu, s’articuleront autour des éléments matériels rassemblés par l’auditorat militaire. Les juges examineront notamment les rapports médico-légaux des victimes, les témoignages recueillis dans les zones de santé concernées et les traces financières des extorsions. La défense des prévenus militaires pourrait invoquer la chaîne de commandement, argument déjà anticipé par le parquet qui souligne la responsabilité pénale individuelle dans les crimes contre l’humanité.
Ces audiences historiques constitueront-elles un tournant dans la lutte contre l’impunité au Nord-Kivu ? La réponse judiciaire attendue d’ici mi-juillet pourrait inclure des peines d’emprisonnement allant jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle pour les violences sexuelles, conformément au Code pénal congolais. La MONUSCO a d’ores et déjà annoncé son soutien continu au processus judiciaire, y compris pour l’exécution des verdicts, condition sine qua non pour restaurer la confiance des populations dans les institutions de la RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd