29.4 C
Kinshasa
samedi, juin 28, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéInternational(DOSSIER) Nathalie Yamb : figure panafricaine en croisade contre la « Françafrique »

(DOSSIER) Nathalie Yamb : figure panafricaine en croisade contre la « Françafrique »

Nathalie Yamb est une militante panafricaniste suisso-camerounaise devenue l’une des figures de proue du combat contre la Françafrique et pour l’émancipation totale du continent africain. Connue pour son franc-parler, ses vidéos percutantes sur les réseaux sociaux et ses interventions sans concessions, elle dénonce avec véhémence le néocolonialisme français, le franc CFA et toutes les formes d’ingérence étrangère qui entravent la souveraineté des États africains. À 55 ans, celle que ses partisans surnomment la « Dame de Sotchi » incarne une nouvelle génération de militants panafricanistes, prêts à bousculer l’ordre établi au nom de la liberté, de la dignité et du progrès de l’Afrique. Son ton est résolument combatif et militant : Nathalie Yamb se veut la porte-voix d’une jeunesse africaine déterminée à briser les tutelles extérieures pour reprendre en main son destin politique, économique et culturel.

Biographie succincte

Nathalie Yamb naît le 22 juillet 1969 à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, d’une mère suisse et d’un père camerounais. Elle grandit en partie au Cameroun, où sa famille s’installe durant son enfance, avant de poursuivre des études en sciences politiques et communication en Allemagne. Polyglotte et cosmopolite, elle se définit comme une « Africaine appartenant à l’Afrique toute entière », ayant voyagé à travers le continent et s’y sentant « partout chez [elle] ». En 2007, Nathalie Yamb s’établit en Côte d’Ivoire, où elle travaille dans le secteur des télécommunications puis s’engage pleinement en politique au sein du parti d’opposition LIDER (Liberté et Démocratie pour la République) de l’ancien président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly. Elle y occupe le poste de conseillère exécutive et se fait connaître pour ses prises de position anti-impérialistes. C’est véritablement en octobre 2019 que Nathalie Yamb accède à la notoriété internationale : invitée à prendre la parole lors du premier sommet Russie-Afrique à Sotchi, en Russie, elle y prononce un discours retentissant qui lui vaudra son surnom de « Dame de Sotchi ».

Engagements clés : souveraineté, franc CFA, liberté d’expression

Au cœur du combat de Nathalie Yamb se trouvent la souveraineté et l’émancipation totales de l’Afrique. Elle fustige la Françafrique, ce système d’influence hérité de la colonisation où « la France considère toujours le continent africain comme sa propriété ». Devant un public médusé à Sotchi en 2019, elle dresse un véritable réquisitoire contre le néocolonialisme français. « Nous voulons sortir du franc CFA », clame-t-elle, dénonçant cette monnaie arrimée à l’euro comme un instrument de perpétuation de la « mauvaise gouvernance, de la pauvreté et de la corruption » en Afrique francophone. Elle rejette la simple réforme du CFA rebaptisé ECO et exige une rupture nette : la conquête de la souveraineté monétaire est, selon elle, indispensable au décollage économique du continent. De même, Nathalie Yamb appelle au démantèlement des bases militaires françaises installées en Afrique : ces bases, affirme-t-elle, « ne servent qu’à permettre le pillage de nos ressources, l’entretien de rébellions, l’entraînement de terroristes, et le maintien des dictateurs à la tête de nos États »l. Pour elle, aucun accord de défense ne saurait justifier la présence de troupes étrangères perpétuant une tutelle post-coloniale.

La militante élargit son combat à la défense des libertés publiques et de la dignité africaine. Nathalie Yamb dénonce la répression contre les opposants politiques sur le continent, qu’ils soient « spoliés, brimés, jetés en prison […] entérinant ainsi le constat d’une justice aux ordres » dans trop de pays. Elle-même ne mâche pas ses mots contre les chefs d’États africains qu’elle juge inféodés à des intérêts étrangers. Elle estime que ces dirigeants « marionnettes » ne supportent la critique internationale que parce qu’elle expose leur soumission : « On peut critiquer Monsieur Ouattara comme on veut sur le territoire national, il s’en fiche pas mal. Mais dès lors qu’une critique passe sur un média étranger ou au niveau international, ça le touche beaucoup plus », faisait-elle remarquer à propos du président ivoirien peu après Sotchi. Animée par une volonté farouche de liberté d’expression, Nathalie Yamb utilise massivement les réseaux sociaux (où elle compte des centaines de milliers d’abonnés) pour diffuser ses messages, mobiliser la jeunesse africaine et contrecarrer la « langue de bois » des médias officiels. Sa devise implicite : briser le silence et rendre la parole aux Africains dans le concert des nations.

Obstacles et répression : expulsions, censure et intimidation

Les prises de position radicales de Nathalie Yamb lui ont valu l’hostilité des autorités pro-Françafrique et de certains gouvernements occidentaux, qui tentent de faire taire cette voix dérangeante. En Côte d’Ivoire, où elle résidait depuis plus d’une décennie, son discours de Sotchi a déclenché la fureur du régime d’Abidjan. Quelques semaines après son retour, en décembre 2019, Nathalie Yamb est expulsée manu militari du pays vers la Suisse, « sans procès », sur ordre du ministère de l’Intérieur ivoirien. Convoquée sous prétexte administratif, elle est escortée à l’aéroport et découvre sa destination une fois embarquée : Zurich via Paris. Le motif officiel invoqué – « activité incompatible avec l’intérêt national » – traduit en réalité une volonté de sanctionner son militantisme jugé subversif. Il lui est reproché d’être une « étrangère qui fait de la politique en Côte d’Ivoire » et de « critiquer trop les autorités », donc de troubler l’ordre public. Son mentor Mamadou Koulibaly y verra une décision xénophobe et politique, visant à « fragiliser le LIDER en année électorale » (la présidentielle de 2020 approchait). L’effet boomerang sera cependant notable : cette expulsion musclée, loin de la marginaliser, amplifie encore l’aura de Nathalie Yamb auprès d’un public panafricain écœuré par ces méthodes autoritaires.

Quelques années plus tard, c’est Paris qui s’attaque directement à la militante. En janvier 2022, la France la déclare persona non grata sur son sol, lui interdisant l’entrée et le séjour sur tout le territoire français. La mesure, gardée secrète pendant plusieurs mois, ne lui est officiellement notifiée qu’en octobre 2022 par courrier recommandé du ministère de l’Intérieur. Les autorités françaises justifient cette sanction exceptionnelle en accusant Nathalie Yamb d’attiser un dangereux sentiment « anti-français » en Afrique et de tenir des propos « très virulents » à l’égard de la France. Paris lui reproche notamment « d’encourager le recours à la violence » contre les symboles de la présence française sur le continentafrik.com – une allusion à ses appels à démanteler les bases militaires et à déboulonner l’influence française. La militante, qui prône la résistance populaire mais non la violence gratuite, rejette ces accusations qu’elle juge calomnieuses. N’empêche : bannie de Côte d’Ivoire, personae non gratae en France, Nathalie Yamb fait face à une véritable tentative de censure internationale de son discours. Ses comptes sur les réseaux sociaux ont par ailleurs été temporairement suspendus à plusieurs reprises, et ses conférences peuvent être la cible de pressions ou d’annulations sous divers prétextes, reflet des obstacles qui entravent sa liberté d’expression.

Actualité récente (2024–2025) : honneurs au Sahel et sanctions européennes

En dépit des bâillons qu’on tente de lui imposer, Nathalie Yamb poursuit son combat tambour battant, engrangeant même de nouvelles reconnaissances sur la scène panafricaine. En mai 2025, elle est mise à l’honneur au Burkina Faso, l’un des pays du Sahel ayant récemment rompu avec l’influence française. Le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, la décore du titre de Chevalier de l’Ordre de l’Étalon, la plus haute distinction honorifique du pays. La cérémonie a lieu lors de l’inauguration du mausolée Thomas Sankara, figure révolutionnaire chère aux panafricanistes, soulignant la filiation idéologique entre le combat de Yamb et l’héritage sankariste. Émue, l’activiste remercie chaleureusement le « président du Faso » pour cet honneur, y voyant un signe que son message trouve un écho auprès des nouveaux dirigeants africains soucieux de souveraineté. Elle en profite pour tacler les « services de désinformation » qui ont propagé de fausses rumeurs sur sa prétendue nomination comme conseillère spéciale d’Ibrahim Traoré : à ses yeux, ces intox visaient à détourner l’attention des vrais enjeux – la lutte contre « les terroristes sponsorisés par l’Occident » et la reconquête de la souveraineté africaine. Son soutien affiché aux gouvernements de transition du Mali, du Burkina et du Niger – qu’elle a encouragés à s’unir au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) – l’a consacrée comme une égérie de la nouvelle révolution panafricaine en cours au Sahel. « J’ai dansé quand j’ai appris la nouvelle » de la création de l’AES par ces trois pays, confie-t-elle, y voyant « l’acte de décès de la CEDEAO [vétuste communauté régionale alignée sur les intérêts étrangers] » et le début d’une union africaine affranchie des diktats extérieurs.

Ironiquement, au moment même où l’Afrique insurgée la célèbre, l’Europe la sanctionne. Le 26 juin 2025, le Conseil de l’Union européenne ajoute Nathalie Yamb à sa liste noire des personnes sanctionnées pour « menace hybride » pro-Kremlin. Concrètement, ses avoirs financiers dans l’UE sont gelés et elle se voit interdite d’entrée ou de transit sur le territoire européen. Bruxelles justifie cette mesure en l’accusant de « soutenir des actions ou politiques » du gouvernement russe « qui menacent la démocratie et la stabilité » en Europe « en recourant à la manipulation de l’information ». Les autorités européennes soulignent que, « depuis le sommet de Sotchi en 2019 auquel elle a participé, Nathalie Yamb soutient ouvertement la Russie, adoptant le langage de Moscou et ciblant la France et l’Occident […] pour les évincer du continent africain ». On lui reproche en particulier ses liens présumés avec le réseau Wagner, du nom de ce groupe paramilitaire russe actif en Afrique : Yamb est accusée d’être proche de l’organisation AFRIC, considérée comme affiliée aux sociétés militaires privées russes financées par l’oligarque Evgueni Prigojine. Autant d’accusations qu’elle conteste fermement, y voyant la marque d’une panique croissante des anciennes puissances coloniales face à l’influence grandissante du discours panafricaniste.

Controverses et contre-offensive : prorusse ou simplement pro-Afrique ?

Cette militante au verbe haut ne laisse personne indifférent, et ses méthodes comme ses alliances réelles ou supposées font l’objet de vifs débats. Pour ses détracteurs – notamment dans les médias occidentaux – Nathalie Yamb serait avant tout une influenceuse au service de Moscou, une « agent de la Russie » téléguidée par le Kremlin pour attiser la haine de la France en Afrique. Son surnom de « Dame de Sotchi » est ainsi brandi par certains comme une preuve de sa connivence avec les intérêts russes, tout comme sa participation en 2022 en tant qu’« observatrice internationale » aux référendums controversés organisés par la Russie dans l’est de l’Ukraine. Des rapports occidentaux l’intègrent dans le paysage de la propagande prorusse en Afrique : Washington l’a citée parmi les vecteurs de désinformation pilotés par l’entourage de Prigojine, et Paris voit en elle un « relais de propagande russe » diffusant de fausses informations pour des « intérêts personnels ». Sur le continent, certains intellectuels plus modérés critiquent aussi ses prises de position très tranchées, lui reprochant de remplacer une influence par une autre – pro-russe au lieu de pro-française – et d’« excuser » les dérives autoritaires de régimes africains sous prétexte qu’ils s’opposent à l’Occident.

Nathalie Yamb balaie ces critiques d’un revers de main, n’y voyant que des campagnes de diffamation visant à la discréditer, elle et plus largement le soulèvement souverainiste africain. Elle qualifie de « raciste » et paternaliste l’idée que des Africains ne pourraient pas se battre d’eux-mêmes pour leur liberté sans être manipulés : « On veut dire que l’Africain ne peut pas se battre lui-même pour sa propre cause […]. Si nous ne sommes pas les marionnettes de la France, nous devons être les marionnettes d’une autre puissance », ironise-t-elle, dénonçant le refus de ses adversaires de croire en une lutte authentiquement « pro-Afrique ». Son objectif, martèle-t-elle, n’est pas de « remplacer les anciens maîtres par de nouveaux », mais bien que les Africains deviennent « eux-mêmes les propriétaires de l’Afrique ». Oui, elle assume des relations cordiales avec la Russie, qu’elle considère comme un allié historique de l’Afrique dans la lutte anticoloniale – rappelant que l’URSS soutient les indépendances sans chercher à coloniser en retour. Mais elle s’en explique ouvertement : face à un Occident qu’elle juge arrogant et prédateur, il est normal selon elle de « chercher des gens qui vont nous respecter et respecter nos intérêts »sidwaya.info. Plutôt qu’un alignement aveugle sur Moscou, Nathalie Yamb prône un monde multipolaire où l’Afrique traitera d’égal à égal avec tous ses partenaires, qu’ils soient occidentaux, russes, chinois ou autres – l’essentiel étant que les Africains décident souverainement avec qui commercer et coopérer, sans tutelle ni intermédiaire imposé.

Conclusion

Nathalie Yamb s’est imposée, en l’espace de quelques années, comme l’une des icônes du panafricanisme contemporain et de la résistance anti-néocoloniale. Son parcours – de son expulsion d’Abidjan orchestrée pour la réduire au silence, jusqu’à son sacre symbolique à Ouagadougou aux côtés d’Ibrahim Traoré – illustre le basculement en cours en Afrique francophone : la contestation de la Françafrique n’est plus l’apanage de quelques intellectuels dissidents, elle est devenue un mouvement populaire porté par des figures militantes charismatiques. Avec son style combatif et sans compromis, Nathalie Yamb incarne cette radicalité nouvelle qui séduit une partie de la jeunesse africaine en quête de dignité et d’indépendance réelle. Ses adversaires voient en elle une agitatrice dangereuse, instrumentalisée par d’autres puissances ; ses partisans la considèrent au contraire comme une patriote panafricaine qui ose dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Engagée, interdite, diabolisée mais pas intimidée, Nathalie Yamb poursuit son chemin avec la conviction que l’histoire finira par donner raison à son combat. « Je ne suis que quelqu’un qui se bat pour l’émancipation de l’Afrique et des Africains », dit-elle modestement. Un combat qui, à n’en point douter, continuera de déranger – et d’inspirer – sur le continent africain et au-delà.

Sources : Nathalie Yamb – interventions publiques, entretiens et réseaux sociaux ; Agence d’information du Burkina (AIB) ; Sidwaya (quotidien du Burkina Faso) ; Le Monde ; RFI ; France24 ; Aujourd’hui au Faso ; Afrik.com ; Swissinfo.

Commenter
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Actualité Populaire Liée

Actualité Populaire RDC

Résumé de l'actualité quotidienne

Le Brief du Jour du 27 Juin 2025

Naufrage meurtrier sur le fleuve Congo, accord de paix RDC-Rwanda, massacre à Djangi, crise persistante à l’Est dénoncée par Tshisekedi, réforme dans l'énergie, route de l’Université de Kinshasa sinistrée, et la fibre optique en renfort : l’essentiel de l’actualité congolaise du 27 juin 2025 dans Le Brief du Jour.

Derniers Appels D'offres

Derniers Guides Pratiques