Assise sur une brique, son cahier posé sur les genoux, Josée, 14 ans, trace des lettres sous le manguier qui sert de salle de classe provisoire. « Même sans toit, mieux vaut étudier ici que se cacher en forêt », confie l’élève de Banankoyo. Comme des milliers d’autres dans le groupement Kisimba, au territoire de Walikale, sa famille vient de rentrer après plus de trois mois d’exode forcé, fuyant les affrontements entre l’AFC et le M23.
Une accalmie précaire permet ce retour des déplacés du Nord-Kivu, mais le défi immédiat dépasse la reconstruction des cases effondrées. « Sauver l’année scolaire est devenu notre bataille quotidienne », explique un enseignant sous couvert d’anonymat. Depuis le 20 juin, écoles primaires et secondaires ont rouvert dans l’urgence, transformant parfois des hangars en salles de cours. Trois mois d’interruption ont laminé le programme scolaire dans cette partie de la province éducationnelle Nord-Kivu 3, zone rongée par l’instabilité chronique.
Comment étudier quand la peur rôde encore ? Les bancs sont clairsemés dans ces établissements ressuscités. Certains finalistes, réfugiés dans des forêts reculées, ont raté les épreuves préliminaires de l’examen d’État – un coup dur pour leur avenir. « Mon fils devait passer son diplôme en juin. Aujourd’hui, il regarde ses livres mouillés par la pluie dans notre hutte », se désole un père de famille près de Banamuruhya. La situation sécuritaire à Kisimba reste tendue, bien que les wazalendo contrôlent désormais le secteur.
Face à cette reprise scolaire à Walikale menée dans l’improvisation, les autorités coutumières lancent un appel pressant. « Les forces de défense doivent maintenir leurs positions coûte que coûte », insiste un chef local. Leur crainte ? Que la moindre recrudescence des combats ne brise à nouveau cet élan fragile. Car derrière les cahiers rouverts, c’est l’avenir de toute une génération qui se joue dans ces écoles en zone de conflit.
La résilience a pourtant un goût amer. Les salles de classe manquent de tout : toits, bancs, manuels. Les enseignants, non payés depuis des mois, font cours par devoir plus que par conviction. « Ces enfants méritent-ils une éducation au rabais parce qu’ils sont nés dans une zone de guerre ? », interroge une institutrice en balayant du regard les pupitres fissurés. Le paradoxe est cruel : alors que le conflit du M23 a généré des milliers de déplacés, ceux qui reviennent doivent composer avec une normalité trompeuse.
La route vers une stabilité durable reste semée d’embûches. Si la réouverture des écoles offre un semblant d’espoir, elle révèle aussi l’ampleur des cicatrices laissées par les déplacements massifs. Entre les murs éventrés des salles de cours, c’est toute la question de la reconstruction post-conflit qui se pose – une reconstruction qui passe d’abord par l’éducation, dernier rempart contre la perpétuation des violences.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd