La République Démocratique du Congo s’apprête à vivre un moment crucial de diplomatie africaine. Kinshasa, capitale de la RDC, organise prochainement le neuvième sommet ordinaire des Chefs d’État et de gouvernement de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Cet événement majeur, confirmé par le ministre de l’Intégration Régionale Didier Mazenga Mukanzu lors du Conseil des ministres à Kolwezi, verra des préparatifs intensifs avec la visite imminente de l’ambassadeur João Samuel Caholo, secrétaire exécutif de l’organisation.
Au cœur des enjeux : la présidence tournante de la CIRGL. Après quatre années de direction angolaise – dépassant largement le mandat réglementaire de deux ans – la RDC se positionne pour reprendre les rênes de cette structure régionale. Cette transition fait suite à la décision formelle du Burundi de renoncer à son tour, ouvrant la voie à Kinshasa conformément aux résolutions adoptées lors de la réunion interministérielle de Luanda en novembre 2024. Une passation qui intervient dans un contexte géopolitique particulièrement volatile.
Le sommet se tient en effet sur fond de tensions exacerbées entre la RDC et le Rwanda. Kigali a récemment officialisé son retrait de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), accusant Kinshasa de manipulation politique au sein de cette organisation. Le gouvernement rwandais dénonce par ailleurs un soutien congolais présumé aux groupes armés FDLR ainsi que des violations territoriales récurrentes. Ces accusations croisées ont conduit à l’exclusion du Rwanda de la présidence tournante de la CEEAC sous pression conjointe de la RDC et du Burundi.
Comment la CIRGL, créée précisément pour apaiser les conflits dans la région des Grands Lacs, pourra-t-elle naviguer dans ce climat délétère ? Cette organisation intergouvernementale regroupe douze États – de l’Angola au Soudan du Sud en passant par la Tanzanie et la Zambie – autour d’un objectif central : stabiliser une zone historiquement minée par les conflits transfrontaliers. Son cadre d’action, le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement adopté à Nairobi en 2006, prévoit des mécanismes de coopération via dix protocoles spécifiques et trente-trois projets prioritaires.
L’accession de la RDC à la présidence tournante représente ainsi un défi multidimensionnel. D’un côté, elle consacre le retour diplomatique de Kinshasa sur la scène régionale après des années de crises internes. De l’autre, elle place la RDC en position d’arbitre dans des dossiers épineux où elle est elle-même partie prenante, notamment dans l’apaisement des relations avec Kigali. La crédibilité de l’organisation Grands Lacs se jouera dans sa capacité à transcender les contentieux bilatéraux.
Les observateurs s’interrogent : cette présidence congolaise saura-t-elle impulser une nouvelle dynamique de coopération ou cristallisera-t-elle les divisions actuelles ? La réponse dépendra largement des résultats concrets du sommet de Kinshasa. Alors que l’Angola passe le témoin après un mandat prolongé, la RDC devra démontrer sa capacité à transformer cette responsabilité en levier pour une paix durable dans cette région stratégique du continent.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd