La République Démocratique du Congo possède des réserves exceptionnelles de minerais stratégiques. Premier producteur mondial de cobalt, elle a extrait environ 74% de la production minière mondiale de cobalt en 2023. Le pays se classe aussi parmi les cinq premiers producteurs mondiaux de cuivre. Ces deux minerais – cobalt et cuivre – sont cruciaux pour les batteries des véhicules électriques et la transition énergétique. La RDC recèle par ailleurs d’importantes ressources en lithium : le gisement de Manono, par exemple, figurerait parmi les plus riches au monde (environ 400 millions de tonnes de minerai au total). Selon la Banque mondiale, la valeur des « minerais critiques » du sous-sol congolais (cobalt, cuivre, lithium, etc.) est évaluée à 24 000 milliards USD, soit l’équivalent de neuf fois le PIB continental. Cette immense richesse potentielle place la RDC au cœur des enjeux climatiques mondiaux : le cobalt congolais est considéré comme un métal vert, indispensable aux énergies renouvelables et à la mobilité électrique.
Un leader mondial de la production de cobalt et cuivre
La RDC domine sans conteste le marché du cobalt. En 2024 elle a produit près de 200 000 tonnes de cobalt métal, confirmant sa première place mondiale. D’après le Cobalt Institute, la République Démocratique du Congo restera le leader mondial du cobalt encore plusieurs années, malgré la progression de l’Indonésie. Ce poids historique s’explique par l’abondance des gisements congolaise : plus de 60 % des ressources mondiales en cobalt sont situées en RDC. Le tableau global est similaire pour le cuivre : la RDC est désormais le deuxième producteur mondial de cuivre, seulement dépassé par le Chili. Ces minerais stratégiques représentent ensemble 70 à 80 % des exportations minières du pays.
Ce rôle majeur de la RDC attire l’attention des grandes puissances et des investisseurs : l’Union européenne, la Chine, les États-Unis et d’autres se disputent l’accès à ces ressources. Par exemple, en 2023 l’UE a engagé des négociations pour faire de la RDC un « hub régional de production de batteries électriques », afin de sécuriser un approvisionnement responsable en cobalt et lithium. Cette position convoitée se renforce avec l’explosion de la demande mondiale : on estime que la production mondiale de cobalt doit encore croître de plusieurs dizaines de milliers de tonnes pour suivre l’essor des véhicules électriques et du stockage d’énergie. D’ores et déjà, en 2024 les batteries ont absorbé plus de 76 % de la consommation mondiale de cobalt, et les véhicules électriques représentaient 43 % de la demande totale (part que certains experts anticipent à près de 60 % d’ici 2030).
Les industries locales de transformation, un chantier en cours
Malgré sa richesse minière, la RDC ne capte qu’une faible part de la valeur ajoutée. Presque tout le cobalt et le cuivre extraits sont exportés sous forme de minerais ou de concentrés, avec très peu de traitement sur place. Aujourd’hui le pays ne fournit qu’environ 1 % du cobalt raffiné mondial. Autrement dit, les minerais congolais alimentent principalement les usines de raffinage à l’étranger (notamment en Chine), là où la majeure partie de la valeur finale est créée. Les autorités congolaises ont donc fait de la transformation locale une priorité stratégique : il s’agit de développer sur place des usines de raffinage et de production des matériaux pour batteries.
Plusieurs projets sont lancés ou en préparation. À Likasi (Haut-Katanga) l’usine ROK Metals vient d’être choisie pour recevoir un soutien américain : en juin 2024 USAID a annoncé un financement de 2 millions USD pour augmenter sa capacité. Grâce à cette aide, ROK Metals devrait passer de 28 à 250 tonnes par mois d’hydroxyde de cobalt raffiné (par ailleurs de 52 à 1 150 tonnes de cathodes de cuivre). Ce sera la première grande entreprise congolaise de traitement local des concentrés de cobalt et de cuivre.
Autre initiative emblématique : la société congolaise Buenassa a reçu en 2024 une subvention de 3,5 millions USD du gouvernement congolais pour lancer la préparation d’une raffinerie cuivro-cobalt à Lualaba. Ce projet, soutenu par l’État dans le cadre de son plan d’industrialisation, vise à produire 30 000 t de cathodes de cuivre et 5 000 t de sulfate de cobalt par an (phase 1, opérationnelle fin 2027). Le ministère congolais des Mines insiste sur l’importance de ces usines locales pour construire une « chaîne de valeur intégrée » autour des batteries et véhicules électriques. De telles infrastructures permettraient de capter environ 30 à 40 % de la valeur marchande du cuivre et du cobalt produits, contre moins de 5 % aujourd’hui.
En parallèle, des usines de raffinage existent déjà dans le pays sous forme de partenariats publics-privés. Par exemple, en 2020 la Société minière Deziwa (co-entreprise entre Gécamines et le chinois CNMC) a inauguré à Kolwezi une usine d’affinage moderne pouvant produire 80 000 t de cuivre et 8 000 t de cobalt par an. Cette installation a nécessité un investissement de 880 millions USD. D’autres entreprises congolaises (telles que MANO ou Tenke Fungurume Mining, partenaire de Zijin) ont annoncé des plans de construction de raffineries ou d’usines de batteries. Les autorités ont aussi renforcé le cadre légal : le code minier de 2018 impose désormais aux sociétés d’exporter une part croissante de leurs métaux sous forme raffinée, afin de favoriser la création d’usines sur le territoire.
En dépit de ces efforts, les défis restent immenses. Une très large part de la production congolaise provient encore de l’exploitation artisanale dispersée dans de nombreuses mines à ciel ouvert. Par exemple, la mine de Rubaya (Nord-Kivu) mobilise des milliers de creuseurs informels répartis sur une colline, dans des conditions rudimentaires (photo ci-dessus). La société publique Entreprise Générale du Cobalt (EGC) a été créée pour encadrer ce secteur artisanal : elle achète et traite le cobalt extrait manuellement, en imposant des normes sociales et environnementales. Néanmoins, le raffinage véritable (production d’hydroxyde ou de métal) reste marginal, faute d’usines. C’est cette transformation locale, garantissant traçabilité et création d’emplois congolais, que le gouvernement cherche à développer pour ne pas rester dépendant de la simple exportation de minerai brut.
Enjeux de la transition énergétique mondiale
La position stratégique de la RDC découle directement de la transition énergétique planétaire. L’électrification du transport et la montée des énergies renouvelables reposent sur des « métaux verts » comme le cobalt, le cuivre et bientôt le lithium. Cette convergence crée une opportunité sans précédent pour le Congo, mais aussi des risques importants. Selon les experts, la RDC détient littéralement « les clés des technologies du futur ». Si Kinshasa parvient à maîtriser la chaîne de valeur – extraire, raffiner et transformer ses minerais sur place – les retombées économiques pourraient être considérables. À l’inverse, sans cadre adéquat, la manne minérale pourrait alimenter la corruption et l’instabilité, privant les populations locales des bénéfices.
Dans ce contexte, les partenaires internationaux multiplient les initiatives. L’Union européenne et la RDC ont signé en 2023 un partenariat « chaîne de valeur responsable des minéraux critiques » pour créer un hub régional de fabrication de batteries. Les États-Unis, par leur programme Critical Minerals, financent des projets de transformation locale en Afrique (dont ROK Metals en RDC). Des organisations comme l’ITIE (transparence dans les industries extractives) plaident pour une gouvernance renforcée. Lors d’un atelier en mars 2025, le gouvernement congolais et l’ITIE ont réaffirmé que la transition énergétique est une opportunité unique « à condition que nous en prenions pleinement le contrôle ». Ces discussions soulignent la nécessité d’une gestion transparente des revenus miniers et d’une stratégie nationale claire.
Cette transition mondiale soulève aussi des questions éthiques et sociales : des ONG alertent sur le risque d’une « ruée vers les minerais verts » répétant les abus historiques (travail des enfants, pillage, dommages environnementaux). L’État congolais tente de concilier développement durable et exploitation minière. Par exemple, le NRGI (Natural Resource Governance Institute) recommande à la RDC de se doter d’une stratégie nationale ambitieuse pour transformer ses ressources en vecteur de développement – faute de quoi le pays risquerait de manquer les opportunités offertes par cette transition.
En somme, la RDC se trouve à un carrefour. D’un côté, sa richesse naturelle en minerais stratégiques pourrait la propulser au cœur de l’économie mondiale verte. De l’autre, la valeur ajoutée générée est aujourd’hui captée à l’étranger : la majorité du cobalt congolais est envoyé brut à la Chine ou ailleurs pour y être raffiné. Développer l’industrie locale (raffineries, usines de batteries, chaîne logistique associée) apparaît donc comme la condition pour transformer cette richesse naturelle en véritable levier de croissance nationale. Les récents projets (usine ROK, future raffinerie Buenassa, extensions de Deziwa, etc.) montrent que la volonté existe, mais le chemin reste long. À terme, les succès de cette politique pourraient servir de modèle aux autres pays miniers d’Afrique, et faire de la RDC un « acteur-clé » de la transition énergétique mondiale.
Sources : Rapports et articles de presse récentspubs.usgs.govdeskeco.comecofinagency.comuneca.org7sur7.cdmining.comradiookapi.netbusiness-humanrights.org, entre autres.